Entre rêve et réalité. [ LIBRE ]

Sa rencontre avec le loup noir laissait encore quelques séquelles. Dick peinait à avancer normalement et à rythme régulier, souvent il s'offrait des pauses, histoire de soulager sa patte encore blessée ; et malgré les maigres soins que le loup gris apportait à sa blessure, cette dernière refusait pour le moment de guérir.
Pour se changer les idées, il se mit à marcher, et à chaque fois qu'il posait sa patte blessée au sol une grimace de douleur se dessinait sur sa tête.

Mais finalement, après une marche qui dura plus longtemps qu'elle n'aurait du, Dickfar arriva sur l'île. Entendre le bruit de la mer, le réconfortait, et il bût quelques gorgées d'eau salée ; pas trop non plus, car l'eau salée n'a pas spécialement bon goût. Dickfar arriva sur la plage, laissant derrière lui des marques de pas effacées derrière lui par la mer.

Dickfar trouva un agréable endroit où s'allonger, il était face à l'île principale. Il posa sa tête sur le sable, et ferma les yeux. Des images de sa course contre le loup noir lui apparurent, il tenta de les faire partir de sa tête, oh que c'était difficile ; mais il y arriva. Il y arriva en ce remémorant les premiers instants de sa vie sur Sarkan, l'arrivée au lac, son exploration des territoires.

Une vive douleur le tira de ses rêveries, toujours et encore sa blessure... Mais le vent se leva, lui apportant des odeurs toutes proches.

( Je me permets, ahahah )

Neona était devenu son refuge, depuis que le grand loup noir aux yeux à la couleur rouge sang était arrivé sur Sarkan pour semer panique et désastre. Elle fuyait le plus possible le Kohinoor afin de ne pas éveiller de soupçons auprès des siens. Elle se sentait déjà bien assez honteuse comme ça et elle n'avait aucunement besoin du regard - qui serait surement accusateur - des autres sur elle. La louve blanche avait un peu virée parano avec cette rencontre plus que spéciale. Peut-être que la folie l'avait gagnée, après tout. Tout avait changé à cause du loup noir. Il avait éveillé en elle plusieurs émotions, plusieurs sensations. La haine, la tristesse, le sentiment d'impuissance... et le manque d'envie. Le manque d'envie d'un peu de tout mais tout particulièrement de se battre et de vivre. Puis elle avait revu Sköll. Il l'avait aidé à s'en remettre et l'avait soutenue avant qu'elle ne s'effondre totalement et songe plus sérieusement à une bêtise. Finalement, quelques jours étaient passés et elle avait reprit du poil de la bête. Elle s'en était un peu remise, même si la blessure restait profonde et ouverte. La blessure morale qu'il lui avait causée sera longue à se refermer et à cicatriser correctement. Syliah le savait, les nuits cauchemardesques qu'elle passait ces temps ci ne s'arrêteraient pas de sitôt. Ses angoisses ne s'envoleraient pas non plus avant quelques bons mois. Sa rage ne s'atténuerait pas jusqu'à ce qu'elle explose. Le compte à rebours était lancé et le temps était compté, avant qu'elle ne se transforme en machine de guerre, dévastant tout sur son passage.

Syliah marchait sur la plage de sable noir. Elle boitait un peu moins fortement qu'avant, sa blessure - à sa patte avant gauche - n'étant pas encore tout à fait refermée. Dans un certain sens, heureusement, c'était elle même qui s'était infligée la blessure. Car elle avait bien remarqué que les loups blessés par le loup noir avaient bien du mal à s'en remettre. Souvent, la blessure restait ouverte et menaçait de s'infecter. La sienne peinait juste à se refermer, vu qu'elle avait mordu non loin de l'articulation et qu'elle était obligée de forcer un minimum dessus afin de pouvoir marcher. La douleur n'était que secondaire. La douleur morale était très certainement pire. Même si elle essayait de ne rien laisser paraitre.

Autre point qui nourrissait autant sa douleur morale que sa haine, c'était de constater que ses craintes semblaient malheureusement bien fondées. Plus les semaines passaient et plus son corps changeait. Ses instincts étaient également plus accrus. Surtout ceux qui concernaient la protection. Son instinct la poussait également à chasser davantage et manger même lorsqu'elle n'avait pas spécialement faim. Elle ressentait le besoin de se faire un nid. Elle tournait un peu en rond. Elle était plus méfiante, plus sur le qui-vive. Elle changeait. Son instinct la poussait à agir ainsi. Une question s'imposait alors à elle. Faisait-elle simplement une grossesse nerveuse à cause de la saillie avec le grand loup noir ? Cette idée la rassurait et elle priait pour que ce soit cela. Elle espérait encore que ce soit cela. Après tout, il l'avait saillie hors période de chaleurs, son hypothèse pouvait bien être bonne... Elle espérait simplement que c'était la raison pour laquelle ses flancs avaient commencés à s'élargir.

La louve arctique s'arrêta finalement, lorsqu'une odeur connue lui monta à la truffe. Son regard bleu balaya les environs, cherchant le loup. Elle savait bien à qui était cette odeur piquante et si délicate à la fois. Dickfar. Au bout de quelques minutes, ses yeux trouvèrent enfin une prise. Le mâle brun était couché à quelques mètres à peine d'elle et semblait dormir. Elle se rapprocha d'un pas léger jusqu'à lui et s'arrêta pile devant lui, à même pas un mètre.

« Tiens, un revenant. »

Souffla-t-elle, sa voix étant légèrement moqueuse. Après tout, même si ces temps ci elle n'était plus totalement elle-même, au fond d'elle, elle restait Syliah. L'éternelle chieuse qui aime que son petit monde soit à ses pattes.

L’odeur que Dick avait senti était celle d’un loup, mais il ne chercha pas à s’y attarder davantage - d'ailleurs à quoi bon, cette île était pleine d'odeur, il était fort possible que ce loup ne soit pas venu pour l'enquiquiner -, et replongea dans un demi-sommeil tâchant d’oublier tant bien que mal la douleur à sa patte.
Mais finalement, Dick avait encore tord, et ce loup - qui était en réalité une louve que Dick connaissait - s'approchait, et elle ne se gêna pas à le réveiller en se pointant devant lui.

« Tiens, un revenant. »

Syliah, la louve blanche qu’il avait rencontré sur Annalee se trouvait debout devant lui. Elle avait dit ses quelques mots avec son petit air moqueur que Dick connaissait bien d’elle.
Le loup gris se remit sur ces quatre pattes tout en marmonnant quelques mots incompréhensibles et presque inaudibles.

« Tiens, bonjour Syliah. »

Dick lui répondit en tentant de reprendre le petit air moqueur de la louve blanche, comme si ce dernier désirait taquiner la femelle.

« Ca va faire un moment que je ne t’ai pas croisé sur l’île. »

Il reprit un ton de voix plus neutre, enlevant tout signe de moquerie autant dans sa voix que dans son attitude, mais en gardant les yeux fixés sur la louve.
Lors de leur dernière rencontre, Syliah était membre de la meute d'Annalee, or maintenant toute trace de cette meute semblait avoir disparu.

Un grand sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il bougonna quelques mots qui étaient plutôt difficiles à comprendre mais qui sonnaient étrangement comme des salutations très enjouées. Il souffla qu'il ne l'avait pas vue depuis un bon moment sur l'île. Ah bah ça... c'était normal. Mais elle pouvait en dire autant, il avait tout aussi déserté, le vilain ! Elle ne chercha d'ailleurs même pas à lui répondre et elle se contenta de l'observer d'un air presque... bête. Sa tête était légèrement penchée sur le côté, ses mâchoires entrouvertes, sa langue dépassant très légèrement de sa gueule. Il ne fallait pas être diplômé d'Harvard ou n'importe quelle autre université prestigieuse pour comprendre qu'une fois de plus, elle usait de la moquerie pour embêter son interlocuteur. Enfaite, elle se sentait d'humeur taquine, pour changer de sa mauvaise humeur. Si bien que brusquement, elle se dressa sur ses pattes arrières et resserra ses pattes avant autour du cou de Dickfar. Si fortement qu'il lui aurait été compliqué de se dégager, ou du moins facilement.

« Câliiiiiiiiiiiiin ! »

Jappa-t-elle à l'oreille du mâle gris, avant de lui attraper une oreille et de la tirer vivement. Parce que, un câlin cachait bien évidemment une connerie, c'était évident. Sinon ce n'était pas Syliah. Une bonne action chez la louve arctique entrainait à bien quatre-vingt dix pour-cent du temps une mauvaise action. Il y avait toujours une action cachée, une répercussion. Et puis... Zoran pourrait témoigner que lorsqu'elle était d'humeur joueuse, elle savait être relativement bien relou. Vraiment chiante. Et encore, le mot était bien faible. Une vraie peste, et en plus de ça, souvent, il fallait que ça aille dans son sens. Ouh, la vilaine gamine capricieuse...

Visiblement, Dickfar ne comprendrait jamais rien à cette louve. Elle se mit à la regarder d'une façon totalement stupide, puis elle fit un geste inattendu en disant:

« Câliiiiiiiiiiiiin ! »

Ce câlin surprise étonna grandement Dick, il ne s'y attendait pas du tout, si bien qu'il lâcha un petit cri d'étonnement quand il se retrouva bloqué entre ses pattes. Mais ce qui surprit encore plus Dick, c'est que suite à ce "câlin" la louve tira l'oreille du loup qui fit décrocher à Dick un deuxième cri de surprise. C'était vraiment à ne rien comprendre.
Suite à cette série d'événement plus ou moins bizarre, Dickfar regarda la louve d'un regard bête comme si il avait vu un éléphant rose, le temps de se remettre de ses émotions et surtout de comprendre ce qui venait de se passer.

Le sensation de douleur au niveau de son oreille arriva quelques secondes après, et Dick lança à Syliah un regard qui se voulait menaçant - en même temps se faire tirer l'oreille ce n'est pas du tout agréable - mais d'un autre côté Dick savait bien que la louve ne cherchait pas la bagarre, donc son regard ne pouvait pas vraiment décrire la menace. Et finalement, Dickfar lui demanda sur le ton de la plaisanterie:

« Tu peux pas t'empêcher de faire du n'importe quoi toi hein ! »

Personne ne comprenait Syliah. Personne ne la comprendrait jamais. Elle resterait un mystère irrésolu. Elle avait un côté fortement instable, il fallait l'avouer. Peut-être était-ce dut à son côté impulsif et à ses quelques sautes d'humeur. Ou pas.

Syliah resserra légèrement l'étreinte de ses pattes autour du cou de Dickfar lorsqu'il émit un cri de stupeur. Oh, c'est qu'il savait japper, l'animal. Elle eut même le privilège de l'entendre une seconde fois émettre un petit cri surprit lorsqu'elle lui tira l'oreille. Un grand sourire triomphant se dessina sur ses lèvres et ses prunelles bleues se mirent à briller de malice. Syliah appréciait pas mal le fait qu'il la regarde avec de grands yeux ronds comme des billes. On aurait presque dit qu'il venait d'avoir une hallucination complètement ahurissante.

Dans un second temps, après la surprise, ce fut la colère qu'elle put lire sur les traits de son visage. Ce qui la fit pouffer de rire, sérieuse qu'elle était. Il ne garda d'ailleurs pas bien longtemps cette expression.

« Moi ? »

S'étonna-t-elle, en lâchant prise. Elle se contenta de décrire un petit cercle autour de lui. Elle l'observa sans aucune gêne. Il n'avait pas changé. Mais il était blessé. Comme ça, même le grand Dick' savait se faire mettre à terre ? Elle eut presque envie de rire. Presque... car une pensée foudroya son esprit, la figeant. Elle resta droite comme un i, et tout son poil se hérissa, gonflant son pelage et la faisant doubler de volume. La louve arctique mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Elle laissa son poil retomber à sa place et elle huma le pelage de Dickfar. Il sentait l'odeur du loup noir. Il n'y avait que lui, de toutes manières, pour s'attaquer à n'importe qui et pour n'importe quelle raison. Parce que bon, Dickfar avait beau être un rebelle et être un maître dans l'art de taper sur le système, il ne donnait pas envie à se point de le bouffer tout cru. Quoique... Hum... Non, il restait intéressant, ce truc là. Elle s'arrêta finalement de tourner, se glissant délicatement à ses côté. Sa gueule se rapprocha de son oreille.

« BOUH ! »

Hurla-t-elle finalement, avant de lui sauter dessus sans ménagement. Ils roulèrent dans le sable, s'approchant dangereusement de l'eau. Mais ils se stoppèrent juste à temps, par je ne sais quel miracle. Pourtant, Syliah s'en contre fichait. Elle préférait de loin le mordiller un peu partout plutôt que de faire attention à ce qui les entourait. Elle lui grignota une patte, le cou, les poils, et parfois même le bout de la queue. Pire qu'une gamine je vous dis. Pire qu'une gamine.

Syliah se fit surprise quand Dick lui dit qu'elle faisait - du moins les fois où dit l'avait vu - du n'importe quoi. Elle fit si bien sa tête d’innocente que Dick ne pu lâcher qu'un soupir d’exaspération.

Après ceci, la louve décrit des cercles autour de Dick, ce dernier la regardait dans le moindre de ses mouvements ; il ne voulait plus se faire surprendre à nouveau. Elle sembla s’intéresser un moment à la blessure que portait Dick, lui-même avait tenté tant bien que mal de la faire disparaître, mais ça n'avait pas vraiment porté ses fruits. La louve s'arrêta, et se faufila jusqu’au niveau des oreilles du gris. Dick ne l'a sentit pas arriver - du moins il l'a sentit juste au moment au moment où elle lui jappa un BOUH dans ses oreilles. Dick sentait ensuite la louve lui sauter dessus, et ils roulèrent jusqu'a un autre bout de la plage.

La louve préféra ensuite le mordiller de tous les côtés, telle un gosse ayant un surplus d'énergie et dépensant ce surplus dans le jeu.
Se dégager de la louve était pour le moment impossible, alors Dick prit part au jeu de la louve, retrouvant un peu son âme de louveteau joueur.
Le gris tentait vainement d'échapper à la louve, tout en la mordillant dés qu'une occasion se présentait.

La comédie. Elle avait ça dans le sang. Non pas qu'elle en usait régulièrement, mais elle savait parfaitement adopter des airs surpris, tristes, furieux, imbéciles et même heureux sans l'être pour autant. Et vous savez quoi... Elle aimait ça. Ouais, elle adorait berner les autres. Ça la faisait tant rire... ! De voir comme les autres étaient crédules. Le monde était fait de personnes candides. Et tout ça, c'était le parfait terrain de jeu pour des personnes telles que Syliah qui ne manquaient ni de culot, ni de confiance.

Le poil de Syliah s'hérissa légèrement sur la ligne de son dos lorsqu'elle sentit une prise sur sa patte arrière droite. Le mâle semblait s'être prit au jeu et lui mordillait la patte. Un court instant - même pas deux secondes - elle resta immobile, la tête haute et les yeux arrondis par la surprise. Puis elle secoua vivement la tête et replongea en vitesse son museau en direction du cou de Dickfar. Elle entrouvrit ses mâchoires, laissant ses dents plonger dans la fourrure du mâle gris. Le bout de ses crocs se promena sur la peau du rebelle mais elle ne chercha pas à lui mordiller le cou. Trop offensif. Elle referma sa gueule et posa sa truffe pile sur la carotide du mâle. Elle appuya légèrement. Elle sentait le pouls de Dickfar sur sa truffe. Elle pouvait aisément compter les battements de son coeur. La louve pouffa de rire lorsqu'il lui sembla sentir le coeur du loup accélérer. Pour quelle cause ? L'adrénaline du jeu ? La peur ? Syliah optait pour la première option. Elle décolla finalement sa truffe du cou de Dickfar, décidée à le chatouiller un peu. Elle laissa glisser sa truffe jusqu'au poitrail du mâle - il était sur le dos - et dériva jusqu'à l'épaule musclée - mais aussi blessée - de ce dernier. Il avait beau être un rebelle, il ne semblait pas souffrir de la faim. Certes, il était pas gros mais il avait assez de bouffe pour garder ses muscles.

Syliah redressa finalement la tête, restant au dessus de lui, un sourire triomphant sur ses lèvres. Son regard bleu plongea dans celui du loup gris, avec insistance. Comme si elle essayait de sonder son âme. Un éclat de malice traversa alors ses prunelles d'un bleu océan.

« T'es plutôt confortable. »

Déclara-t-elle, avant de laisser retomber sa tête sur le poitrail de Dickfar. Ouais, elle était bien là. Elle venait de se trouver le parfait coussin. Qu'il profite, il avait l'avantage de pouvoir être au chaud par ces temps peu cléments vu l'épaisseur de la fourrure de la louve arctique.