Le vent à un gout de cendre

J'étais remonté vers la Kailash, longeant l'ancien court d'eau. Je pouvais encore sentir l'odeur humide sous la terre lorsque celle ci n'était pas parasité par l'odeur d'un poisson en putréfaction. Mes pas étaient lents et précis.

Certains pourraient croire que sans la vu je serais dépendante d'un guide, ce fut le cas pendant de longs mois mais a présent je savais analyser la répercussion des sons sur les contours et dessiner l'environnement où je me trouve.

Le vent était faible aussi poussais je un très léger ronronnement sourd en continu pour me repérer. D'ordinaire j'évite de l'utilisé surtout si je ne suis pas sur d’être seule tant les railleries du passer résonnent dans ma tête lorsque je laisse échapper ce grondement grave. Pourtant j'aime le sentir résonner sur mon palet et se répercuter tout autour de moi.

Au loin j'entendais la faune s'affolée et le bruit de bois qui crépite sans comprendre. Du moins jusqu'à se que le vent tourne amenant avec lui une odeur de cendre.

Eira s'était dirigée vers la Kailash, ou tout du moins l'endroit où elle coulait avant la sécheresse, dans le vain espoir d'y trouver un filet d'eau. Comme tous les jours depuis que cette sécheresse s'était installée sur l'île, Eira était en permanence assoiffée et le fait de ne plus trouver d'eau ailleurs que très haut dans les montagnes n'étant pas très encourageant. En effet, le seul point d'eau, liquide et relativement potable, de toute l'île se trouvait être le Lac Penllyn, sur le territoire de la meute d'Iselwyn. De ce qu'elle avait entendu, Annalee n'avait plus une goutte d'eau, hormis celle de la mer qui n'était malheureusement pas buvable et le Kohinoor n'avait que la neige qui permettait de se désaltérer, mais pour cela, il fallait aller très haut dans les montagnes, et ce au risque de se blesser. Pour Eira, c'était presque trop risqué, mais le besoin de boire faisait passer ces risques pour acceptables, bien que pour le moment, elle est parvenue à se débrouiller en buvant la rosée le matin avant qu'elle ne s'évapore sous la chaleur.

Arrivant au lit asséché de la Kailash, la louve au pelage de neige examina le sol et grogna de dépit. Pas une goutte n'était visible et même si ça avait été le cas, elle aurait été immédiatement bu par le sol devenu presque aride. Décidant de remonter le lit à sec, Eira se mit en route. Elle avançait à pas lent, la langue pendante, ne pouvant guère aller plus vite en raison de la soif qui la tenaillait. Elle marchait depuis plusieurs longues minutes quand une odeur de la meute lui parvint aux narines. Elle releva la tête, qu'elle avait basse, et huma un peu plus l'air chaud ambiant. En effet, il y avait, non loin, un loup appartenant à la meute. Oubliant un peu sa soif, Eira se mit difficilement au trot et remonta l'odeur de la meute jusqu'à trouver celui ou celle qui la dégageait. Elle finit par apercevoir plus loin devant elle une louve qui avançait lentement. Eira la rejoignit et se rendit compte qu'elle ne connaissait pas cette louve. Elle avait d'ailleurs un regard bizarre. Ses yeux avait une étrange couleur : un bleu tellement pâle qu'ils paraissaient blanc. Eira ne put retenir un frisson devant ces yeux.

Salut, qui es-tu ? Je ne crois pas qu'on se soit déjà croisé, je pense que je m'en souviendrais. Es-tu arrivée récemment ici? demanda-t-elle gentiment.

Mais avant que la jeune louve n'ait pu lui fournir une réponse, celle-ci releva la tête et huma l'air. Intriguée, Eira l'imita et sentit une odeur de fumée et de cendres lui parvenir. Se tournant vers l'origine du vent, elle put voir plus loin, sur le territoire d'Iselwyn, un épais panache de fumée noire et à la base de celui-ci, une vague lueur orangée.

J'avais entendu arriver un loup, son odeur était celle de la meute aussi je savais que je ne risquait rien. Je prit tout de même soin de coucher mes oreille et de mettre ma queue sous moi mais j'étais toujours en alerte suite à l'odeur de cendre.
Ses mots me parvinrent comme avec un temps de décalage, mes pensées étaient trop encombrés pour tout analyser et avaient prit du retard. La voix était celle d'une louve que je ne connaissais pas encore. Je décidais de me tourner vers elle et de faire abstraction de ce que j'entendais au loin pour le moment. Mon museau pointé dans sa direction j'articulai quelques mots à son attention.

"Je suis nouvelle, je me nomme Pale"

Ma voix était basse comme toujours mais pour une fois elle était assurée. peut être aurait elle tremblée si je n'avait pas été si perturbé par ce qui se passait tout proche d'ici. L'odeur de souffre continuait à venir chatouiller ma truffe et je luttais contre l'envie de tourner ma tête dans la direction des crépitements.

J'avais deja senti cette odeur une fois bien qu'elle était moins forte, mais celle ci n'avait pas l'odeur de viande grillée, non celle ci sentait la foret.

Fascinée par ce qu'elle voyait au loin, elle entendit à peine la louve aux yeux étranges lui répondre qu'elle était une nouvelle arrivée dans la meute, d'autant plus que sa vois était basse et assez peu audible, même pour son ouïe lupine. Elle se nommait Pale, un nom tout à fait approprié à cette louve aux yeux d'un bleu pâle étonnant, songea Eira.

Et moi, je m'appelle Eira. Cela ne fait pas longtemps que j'ai rejoins la meute moi aussi, à peine quelques mois en fait. Eira s'interrompit et se tourna à nouveau vers la fumée en contrebas. Tu as vu ? Qu'est-ce qui se passe là en bas?

Eira avait demandé, car, avec son amnésie, elle ne savait pas ce qu'était un incendie et au final, même sans celle-ci, Eira ne pensait pas savoir ce qu'était cela. Sur un territoire enneigé la majeure partie de l'année et des températures dépassant rarement le zéro, il n'y avait que très peu de chance qu'un incendie se déclare. Elle était donc très curieuse de savoir ce qui se passait sur le territoire de la meute d'Iselwyn.

J’écoutais la louve se présenter, elle était arrivé quelques mois plus tôt ici. Mais lorsqu'elle me demanda si je voyais ce qui se passait au loin je compris qu'elle non plus ne connaissait pas les regards morts des loups comme moi. Je ne pouvais pas l'en blâmer, peu de loup naissent sans la vue et bien moins encore survivent plus de quelques semaines.
Aussi m'avançais je vers elle pour me placer à son flanc, pointant le museau dans la direction de l'odeur. Pour moi il n'y avait presque aucun doute sur ce qui se passait non loin. D'une voix égale je lui repondit donc.

"Non, je ne vois pas Eira, les esprits ont voilé ma vue à la naissance"

J'hesitais quelques instant avant de demander à la louve.

"Tu veux bien me dire ce que tu vois?"

Ainsi je pourrais confirmer ce que je ressentais. Les crepitements du bois étaient si fort que je doutais qu'il ne s'agisse que de quelques bipèdes passant par là.

L'attention d'Eira était accaparée par la scène d'apocalypse qui se déroulait plus bas. A tel point qu'elle sursauta légèrement quand elle sentit l'autre louve s'approcher d'elle. N'ayant pas l'habitude de ce genre d'attitude, ou plutôt ne se souvenait pas si elle les appréciait, la louve au pelage de neige gronda légèrement avant de se rendre compte de ce qu'elle faisait et de se taire.

Non, je ne vois pas Eira. Les esprits ont voilé ma vue à ma naissance. Telle fut la réponse de la louve aux yeux pâles. Elle ajouta, après un instant d'hésitation : Tu veux bien me dire ce que tu vois?

Ainsi, là était l'explication de ses yeux à la couleur si étrange. La louve était aveugle, ou tout du moins, ne voyait pas grand chose du monde qui l'entourait. Eira se surprit à se demander comment la louve avait pu faire pour survivre sans voir.

Ah, je suis désolée, répondit Eira, même si elle savait qu'elle n'y pouvait absolument rien. Bien sûr. Il y a, quelque part sur Iselwyn, un énorme panache de fumée noire qui s'élève très haut dans le ciel. À la base de celui-ci, j'aperçois comme une vague lueur orange, mais je ne pourrais dire ce que c'est. Le saurais-tu toi? demanda-t-elle, après lui avoir décrit la scène qu'elle voyait.

Je couchais les oreilles et émit un petit glapissement lorsque la louve gronda. Puis elle me dit qu'elle était désolé pour ma vue, en même temps elle n'y pouvait rien et n'en était pas responsable aussi n'avait t'elle pas à se sentir désolé.

"Tu n'as pas à être désolé, tu n'y es pour rien"

Je l'avait écouté me décrire la scène, bien que j'avais du mal à la visualisé réellement. Mais je me souvenait de ce jour où les autres avait décrit cela, je me rappelait la chaleur des braise et l'odeur de cendre que j'avais senti en fourrant ma truffe dans le brasier éteint. Du feu, voila comment il appelaient ça. Un des membres de mon ancienne meute avait osé approcher alors que celui ci ondulait encore et avait couiné en se plongeant dans la neige, l'odeur de ses poils était atroce et la texture de sa peau à cet endroit était devenue étrange avec le temps. Aucuns poils n'avait jamais repoussé.

Je me souvint que la louve attendait une reponse alors que je voguait dans mon esprit aussi je revint a la realité et lui repondit ce que je savais de cela.

"Ca s'appelle un feu, ça dégage beaucoup de chaleur et peut mordre très fort les loups qui s'en approche."

Je n'en savais pas beaucoup plus là dessus, mais celui là semblait beaucoup plus gros que le petit qui tronait au coeur du campement des bipedes qui étaient passé sur mon territoire.

La louve aveugle réagit au grognement d'Eira en plaquant ses oreilles sur son crâne et en émettant un glapissement. Visiblement, elle craignait quelque peu les autres loups. Visiblement, elle semblait être une louve au bas de l'échelle de la meute, une Oméga. Eira n'en avait encore rencontré aucun au sein de cette meute. Pale était la première. Celle-ci lui dit à ce moment-là qu’Eira n’avait pas à être désolée pour sa vue déficiente, car elle n’y était pour rien, et c’était bien vrai, mais bon… Eira voulait lui montrer sa sympathie par ces mots.

Un temps passa après la description de la louve au pelage de neige, comme si la petite Oméga se remémorait un souvenir. Eira n’interrompit pas ses pensées et attendit patiemment qu’elle réponde à sa question, ce qu’elle fit peu de temps après.

Ca s’appelle un feu. Ca dégage beaucoup de chaleur et peut mordre très fort les loups qui s’en approchent.
Je n’ai jamais rien vu de tel, souffla Eira, le regard toujours braqué sur la catastrophe qui se déroulait en-dessous d’elle. Mais à en juger sur la fuite des animaux, il semblerait que ce soit terrible.

Eira frissonna en regardant la scène, bien contente de pouvoir observer tout cela sans risque, bien à l’abri dans les hauteurs.

Je ne pouvais pas vraiment me prononcer, le seul feu que j'avais connu n'avait mordu qu'un loup qui avait été assez stupide pour y fourrer les pattes. Aussi ne dis je rien. Je craignais beaucoup plus le soleil qui semblait capricieux et le manque de neige. Je m'allongea la truffe en avant, mais je ne sentis que la cendre et la foret.

"Tout ce qui brule est terrible..."

Mes yeux se fermèrent plus parsqu'il me coûtait de garder les paupières ouvertes qu'autre chose. Je savais que nous ne pouvions rien de toute façon aussi je décidais de changer de sujet.

"Connais tu tous les loups de la meute?"

J'en avait déja croiser quelques uns mais je ne connaissait pas vraiment l'étendue de la meute.

Tout ce qui brûle est terrible... fut la réponse de la louve aux yeux pâles.

Cette dernière s'était allongée à côté d'elle et avait fermé ses yeux, non pas qu’elle en ait réellement besoin. Eira, elle, s’assit tout en continuant à observer le phénomène que la louve Oméga avait appelé « feu ». Cette dernière changea ensuite de sujet en lui demandant si elle connaissait tous les loups de la meute.

Non. Je n’ai intégré la meute du Kohinoor que depuis quelques mois. Et les loups de la meute vont et viennent à tel point que même après tout ce temps, il y a toujours des loups que je ne connais pas. En réalité, je ne connais que Selene, Zoran, Sevuk, Somewhere et Syliah. Et toi à présent. Mais j’espère bien que j’arriverais à tous les rencontrer sous peu. Et toi ? J’ai comme l’impression que ça fait encore moins longtemps que moi que tu as rejoint cette meute.

Eira tourna la tête vers la louve qui n’avait pas bougé, attendant sa réponse.

Je l'écoutais et réalisais que je ne connaissait même pas la moitié des loups de cette liste. Une meute éclatée où tous les loups vont et vienne? je n'avais jamais rien connu de tel. J'avais l'impression qu'il me faudrait erré longtemps avant de connaitre ma meute entière mais ça avait aussi l'avantage de faire moins de coups de crocs. Une meute ainsi divisé ne devait pas etre source de trop de conflits.

Je m'inquietais néanmoins de mon rôle, comment serais je une bonne oméga si je ne suis pas là où ont lieu les tensions? Et comment saurais je quand viens mon tour de manger si la meute n'est jamais réunie? Je laissais échapper un soupir. Après tout je verrais bien. Je ne pouvais trop rien y faire. Aussi me contentais je de repondre aux interrogations d'Eira.

"Non je n'es pas croisé grand monde encore. Juste Zoran et Syliah."

Je ne savais pas trop si je devais parler de mon escapade dans Khtonia et de ma rencontre avec la louve d'Annalee. J'avais sympathisé avec une louve qui ne faisait pas parti de la meute et peut etre cela était il mal vu comme dans mon ancienne vie.

"Zoran à l'air d'un bon Alpha et Syliah à aussi l'air gentille. Ca me change de mon ancienne meute, je suis plutot contente d'etre arrivé ici. Et toi tu te plais ici tu ne regrette pas ton ancienne meute?"

Eira regardait encore de temps en temps vers les flammes en attendant la réponse de la louve au yeux bleus pâles. Comme Eira l'avait supposé, la jeune louve était arrivée très récemment dans la meute, bien après elle. Par conséquent, elle n'avait pas pu rencontré beaucoup de membres plus anciens de la meute. Elle avait à peine croisé Zoran et Syliah. Eira lui parla donc des autres membres qu'elle avait rencontré, comme Selene, Somewhere ou Sevuk. Puis Pale lui demanda si elle se plaisait ici et ne regrettait pas son ancienne meute. Eira resta silencieuse un long moment avant de répondre. Comment expliquer clairement qu'elle ne se souvenait de rien ? La louve au pelage de neige se plongea dans sa mémoire quasi vide de souvenir et essaya sans succès de se rappeler son ancienne vie.

La vie ici n'a pas que des défauts, si on oublie cette maudite sécheresse bien entendu. Les membres de la meute que j'ai rencontré m'ont fait un bon accueil et j'apprécie vraiment leur compagnie. En ce qui concerne mon ancienne meute, je ne pourrais pas te répondre, car je n'ai presque aucuns souvenirs de ma vie d'avant mon arrivée ici. La seule chose dont je me souvienne, est la chasse que j'ai faite avant de sombrer dans le sommeil et de me réveiller ici.

Que dire de plus pour expliquer son amnésie ? Rien du tout et Eira n'essaya pas d'en dire plus.

.

Je l'écoutai attentivement et à mesure que ses mots me parvenaient je comprenais que dans son esprit il y avait un immense trou noir. J'étais peiné pour elle, même les pires souvenirs nous aident à nous souvenir qui nous sommes aussi l'absence totale de passé faisait d'elle une louve incomplète.

Me redressant je fit un pas en arrière. Je ne me sentait plus du tout à l'aise peut être pars que je ressentais trop d'empathie pour cette louve quoi qu'il en soit je voulais m’éloigner.

"Peut etre finira tu par te rapeller ton ancienne vie. En attendant tu as raison de profiter de la nouvelle."

Je me retournai pour partir et prit tout de même soin d'annoncer mon départ à la louve.

"Je vais redescendre un peu vers les Steppes, je suis contente d'avoir fait ta rencontre Eira, surement nous reverrons nous vite"

Et je m’éloignai d'elle prudemment, tendant l'oreille pour me repérer. Je ne voulais pas ronronner devant elle aussi progressais je plus difficilement le temps de mettre de la distance entre nous.

OUT

(J'ai abrégé pour cloturer les post de l'ancien scenar)

» Le vent qui souffle ici est bien trop froid a mon gout...
» Confession au coeur de la cendre dydy
» Un vent de fraîcheur
» Le vent m'emporte
» Scénario n°23 : Le vent tourne