Savoir souffler un peu

Ymir était plutôt fatigué. C'était un état dans lequel on pouvait fréquemment le trouver depuis que Niky l'avait pris en apprentissage. La louve n'avait pas menti en disant qu'elle serait exigeante avec lui - mais il était hors de question qu'il reconnaisse que tous ces entraînements, ces rondes, et tout le reste, étaient éprouvants. Il refusait de céder. Il était le meilleur et devait donc être capable de tout endurer sans se plaindre.

C'est exactement pour cela qu'il râlait depuis une bonne demi-heure sur l'idiotie que cela avait été, rétrospectivement, de se lancer dans une pareille entreprise. Mais il était seul. C'était une chose de se décharger du stress et de la fatigue par la colère, c'en était une autre d'en faire un spectacle. Aussi, le jeune mâle avait pris soin de choisir un coin isolé, d'où il pourrait aisément voir toute approche, et où il n'y avait personne quand il était arrivé. Et, bon sang... qu'est-ce que ça faisait du bien de se lâcher un peu!

Il se sentait beaucoup mieux, prêt à retourner travailler. Il n'abandonnerait pas, un point c'est tout. Néanmoins, ce serait probablement une bonne idée de justifier son absence par quelque chose. Pourquoi ne pas attraper une proie pour la meute? Il n'aurait plus qu'à dire qu'il était parti à la chasse pour remplir les réserves - il était bien placé pour savoir qu'elles étaient vides, vu qu'il suivait Niky partout où elle allait. Ce serait non seulement une excellente excuse, mais cela serait aussi utile à la meute. Deux pierres d'un coup, quoi! Ragaillardi, le jeune loup se mit aussitôt en quête. Les temps de famine semblaient être bel et bien finis: Ymir voyait des traces laissées par des proies presque à chaque endroit où il posait les yeux. La seule chose, désormais, était d'en identifier une récente et à sa portée. Il n'avait aucune chance d'abattre un gros gibier, même affaibli - le jeune mâle manquait encore trop de force et d'expérience.

Un lapin, en revanche... Ymir suivit la piste de l'animal, qui venait à peine de passer sur les berges de la Moriko. Le chasseur ne tarda pas à retrouver la bête, qui était en train de fouiller le pied d'un buisson, probablement pour se mettre quelque chose sous la dent. Eh bien, cela n'arriverait pas... parce qu'Ymir l'aurait en premier. Le mâle se rapprocha lentement, usant de toutes les techniques de discrétion qu'on lui avait apprises. La lapin devait être jeune, ou affamé, car il ne prêtait guère attention à son environnement immédiat. Aussi, Ymir fut en mesure, à l'aide des rochers et des autres buissons qui parsemaient l'endroit, de rejoindre le lapin à moins de deux mètres sans être repéré. Il avait de la chance... enfin, Ymir, pas le lapin.

Soudain, la proie visée par Ymir se tendit. Elle devait avoir repéré quelque chose, ou peut-être un sixième sens venait de l'avertir du danger. Quoiqu'il en soit, le jeune mâle n'attendit pas davantage. Il bondit, et, d'une foulée, fut sur le lapin. Sa mâchoire d'acier se referma sur le cou de l'animal. Ymir serra et, dans un craquement sinistre de ses cervicales, le lapin mourut. Fier de lui, Ymir resta un instant à observer sa prise, pendant que l'adrénaline issue de la chasse redescendait doucement.