Du haut de mon mirador, j'observe le monde qui s'étend à mes pieds. { Pv ; Sköll }

Elle avait attendu que la nuit tombe sur Sarkan pour filer en dehors du Kohinoor. Elle était revenue depuis environ une semaine et elle avait envie d'explorer un peu l'île. Du côté du continent, rien n'avait réellement changé. Le Kohinoor, du moins, était toujours pareil. Khthonia aussi, alors elle se disait qu'il n'y avait pas de raison pour que les territoires d'Iselwyn et d'Annalee aient changés. La louve blanche n'avait donc aucune raison de quitter le Kohinoor, me diriez vous. Mais voilà. Elle avait récemment apprit qu'une sorte d'île secondaire s'était formée peu après son départ dû à l'étrange épidémie qui avait fait rage ici. C'était donc ce soir qu'elle avait choisi pour aller visiter ces nouvelles terres.

Un petit chemin de sable s'était crée entre l'île principale et cette nouvelle île que Syliah ne connaissait pas encore. Ce chemin était surement dû à la sécheresse qui faisait rage sur Sarkan depuis quelques jours. Il était certainement temporaire et resterait uniquement pendant les marées basses. La louve blanche se mise alors à trottiner, se dépêchant de traverser ce chemin naturel qui reliait les deux îles ensembles. Une fois arrivée, elle s'arrêta et huma l'air. Le point positif était que cette île semblait neutre, tout comme Khthonia. Du coup, elle pourrait poursuivre son excursion en toute tranquillité. Syliah reprit alors sa marche, laissant ses pattes la guider.

C'est ainsi que la louve du Kohinoor arriva devant un temple. Elle prit quelques minutes pour bien l'observer puis pénétra à l'intérieur. Un escalier se trouvait à quelques mètres d'elle. Curieuse comme elle l'était, Syliah s'en approcha et rapidement, elle grimpa les marches. La louve canadienne arriva finalement sur une falaise. Elle s'approcha sans craintes du bord et la brise marine lui ébouriffa la fourrure. C'était assez agréable cette légère brise qui soufflait avec ces grosses températures. Syliah n'avait d'ailleurs pas vu le temps passer, mais le ciel s'éclaircissait déjà. Le soleil était sur le point de se lever, ce qui lui arracha un petit soupir. Quand le soleil se levait, la chaleur extrême revenait. Syliah espérait donc que la brise continuerait de souffler sur le sommet de la falaise.

Syliah se perdit finalement dans sa contemplation du monde. À ses pattes se dessinait toutes les terres de Sarkan sans aucune exception. Le paysage était sublime, à en couper le souffle.

Syliah observait toujours le monde qui s'étendait à ses pattes. De sa place, elle distinguait vaguement les différents territoires que se partageaient les trois meutes sur le continent principal. Elle devinait le Kohinoor avec ses habituelles immensités immaculées, Iselwyn avec ses grandes forêts et sa verdure habituelle, puis Annalee avec sa plage et ses sous bois. Trois territoires si différents les uns par rapport aux autres, quand on y réfléchissait. Un territoire qui rappelait le pôle nord et les basses températures avec le Kohinoor, un territoire qui était fait de forêt, de verdure et d'humidité avec Iselwyn et un territoire qui rappelait les terres les plus arides et les températures les plus hautes avec Annalee.

La louve du Kohinoor commençait à s'impatienter de ne pas revoir arriver des températures plus modestes sur Sarkan. En effet, elle souffrait de ces températures caniculaires avec son épais pelage blanc. Mais même si ça ne lui plaisait pas, elle n'avait pas d'autres choix que d'attendre que cette espèce de canicule passe, laissant que de simples mauvais souvenirs derrière elle. Syliah réfléchissait un peu à l'avenir du Kohinoor et il fallait avouer que ces températures anormales l'inquiétait. La pénurie d'eau était un gros soucis pour le bon devenir de la meute.

L'odeur d'un loup inconnu la sortie néanmoins de ses profondes pensées. Il était là, assit à quelques mètres d'elle, au bord de la falaise. Il portait l'odeur d'Annalee mais Syliah n'eut pas de réaction particulière envers ce fait. Ils étaient en territoire neutre alors elle n'allait pas se fatiguer bêtement à revendiquer un quelconque droit qui n'existait même pas. Surtout pas en période de tension, même si, il fallait l'avouer, elle était sur les nerfs. Surtout depuis leur altercation avec l'alpha d'Iselwyn lorsqu'ils étaient descendus du Kohinoor afin d'aller s'abreuver au lac Penllyn.

L'autre loup ne semblait pas très bavard, ce qui convenait parfaitement à Syliah qui se contentait de l'observer de son regard bleu océan.

Syliah ne le quittait toujours pas du regard. Il semblait faire comme elle il y avait à peine quelques minutes ; observer le monde qui s'offrait à eux. Avoir le monde à ses pattes... c'était donc ça, qu'on voulait dire par là ? Dans ce cas, c'était plutôt joli, mais pas vraiment extraordinaire, ni vraiment très utile. Mise à part si on avait une manie concernant le voyeurisme. Dans ce cas, ce lieu pouvait être très intéressant pour observer les moindre faits et gestes des autres.

Le regard bleu de la louve devait néanmoins gêner le loup brun, puisqu'au bout de quelques minutes, il tourna la tête vers elle, lui prêtant enfin un peu d'attention. Il la salua ensuite, sans vraiment sembler être enchanté. M'bof.

« Salut. »

Répliqua plus ou moins sèchement la louve, un peu vexée par ce manque de considération dont faisait preuve le mâle d'Annalee, il fallait l'avouer. Syliah remarqua malgré tout que ce dernier semblait se perdre dans son regard azur. Peut-être n'avait-il jamais vu de loups aux yeux bleus, après tout. Ou peut-être que les siens étaient particulièrement magnifiques, ce qui était possible aussi après tout.

Un instant, le regard bleu de la louve se détacha du mâle pour se river sur l'horizon et plus précisément sur la place qu'occupait le Kohinoor sur l'île. Sa maison. Son doux et tendre foyer. Son avenir. Avec cette intense chaleur, il fallait avouer qu'elle avait vraiment peur de perdre ce petit bout de paradis terrestre. Et si le Kohinoor disparaissait avec la montée des températures sur l'île ? Le coeur et la gorge de la louve se serrèrent à cette idée. Elle ne voulait pas imaginer la perte de son chez soi. De son paradis, de sa maison. De ses amis, ses compagnons de meute. Syliah secoua vivement sa tête de gauche à droite pour en chasser les mauvaises idées, puis elle recentra son attention sur le loup brun qui venait de s'adresser de nouveau à elle.

« Vous ne me dérangez pas. Je suis Syliah, du Kohinoor. »

Souffla-t-elle dans un ton neutre penchant vers le doux, cette fois ci. Son regard azur se plongea de nouveau dans celui jaune pâle du jeune mâle d'Annalee. Elle l'avait déjà largement observé, mais elle appréciait toujours de regarder un autre loup droit dans les yeux. Simplement parce que les yeux ne mentaient jamais.

Syliah pouvait bien le comprendre sur ce point là. Elle même avait eut extrêmement de mal à faire le deuil de son ancienne vie en arrivant sur l'île. D'ailleurs, c'était ce qui lui avait fait longtemps fuir le Kohinoor. Au tout début, à son arrivée sur Sarkan, le Kohinoor lui rappelait trop vivement sa vie au Canada avec sa meute et surtout avec sa soeur. Selene lui rappelait sa soeur. Tout était fait pour qu'elle s'y sente mal tant qu'elle n'avait pas digéré ce brutal changement de vie. Puis elle avait fini par l'accepter et faire son deuil. Car oui, pour elle ça avait été un deuil. C'était les jours suivants et sa rencontre avec une louve solitaire nommée Keelin qui l'avaient poussée à finalement rejoindre le Kohinoor.

« L'enchantement est réciproque. Enchantée, Sköll. »

Souffla-t-elle simplement, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Elle l'observa lorsqu'il se rallongeait au bord de la falaise. Le regard couleur or du mâle ne la quittait plus. Soit il était méfiant, soit il y en avait un de plus qui s'était noyé dans ses yeux bleus. Ça l'amusait, c'était... mignon. Il fallait avouer que Syliah ne détestait pas non plus regarder le loup brun. Il avait une allure de dominant, il semblait avoir de bonnes valeurs et il n'était absolument pas laid à regarder. Enfin bon. Il restait d'une meute ennemie même si, ici, elle n'avait aucune raison de se montrer hostile envers lui et de ne pas sympathiser avec lui. Si leur rencontre se serait passée sur Annalee ou sur le Kohinoor, ça aurait bien changé la donne. Ils étaient tout deux extrêmement dévoués à leur meute, ce qui rendait leurs possibles affinités presque impossibles. Même s'ils avaient un caractère quasi semblable.

« Je vois. Vous n'avez pas à vous chercher une excuse. »

Souffla-t-elle, coupant court aux paroles du mâle qui semblaient prendre une tournure d'excuses bien que ces dernières n'étaient pas implicitement avouées. Parler et faire la discussion n'était pas tellement son fort et elle n'avait pas vraiment un don pour le social également. Pourtant, avec lui, elle arrivait à s'ouvrir. Même si ce n'était qu'un petit peu. Le pourquoi du comment, elle l'ignorait, mais elle se sentait presque en confiance avec ce fameux Sköll. Ça ne voulait pas dire qu'elle lui faisait confiance ni même qu'elle baissait ses barrières. Juste qu'elle se sentait bien. Pas sur le qui-vive comme avec certains autres loups.

Un léger sourire étirait toujours ses lèvres. Elle s'assise finalement au bord de la falaise, observant de nouveau l'île. Une très légère brise se leva, ébouriffant ses poils blancs. Effectivement, elle crevait de chaud ici avec son épaisse fourrure. Mais elle ne s'en plaignait pas, elle ne faisait pas non plus extrêmement d'efforts alors la chaleur était encore supportable.

Le silence qui régnait entre eux deux ne gênait aucunement Syliah. Les blancs qui pouvaient exister dans les discussions ne la mettaient absolument pas mal à l'aise, contrairement à certaines personnes. La louve blanche était du genre à penser que les silences valaient parfois - et même souvent - mieux que les paroles inutiles.

La louve blanche fit, finalement, de même que le loup brun. Elle observa plus généralement Sarkan. Elle observait Annalee, le territoire auquel appartenait son interlocuteur. C'était peut-être dur à croire mais elle y avait elle même vécut lors de ses débuts ici. Parce qu'elle était têtue, bornée et blessée et qu'elle refusait de rejoindre le Kohinoor qui lui rappelait tant sa peine et ce qu'elle venait de perdre. Annalee semblait souffrir tout autant qu'Iselwyn et que le Kohinoor de la sécheresse, même malgré son côté sec et chaud de nature. Elle voyait que les terres étaient jaunies par le soleil et que le Hibai était asséché. La louve blanche était même surprise que le feu n'ait toujours pas prit dans le sous bois d'Annalee. Cet endroit était si sec même initialement...

Le regard bleu de la louve se reposa finalement sur le Kohinoor. Il lui faisait vraiment peine à voir... En temps normal, ils auraient du voir des étendues enneigées, et là, ils voyaient la couleur de la terre. Seuls les sommets étaient encore couverts de neige. Syliah eut un pincement au coeur, une fois de plus. Qu'allaient-ils devenir si la neige ne revenait pas ? Même voir les rivières et cours d'eau asséchés lui retournaient le bide.

« Cette sécheresse abominable semble irréaliste. Voir le Kohinoor dans cet état me brise le coeur... »

Soupira Syliah, attristée par le sort des meutes. Cette île était véritablement un cauchemar. Un cauchemar dont on ne pouvait pas sortir... Sköll la fit sortir de ses pensées, lorsqu'il lui souffla que le Kohinoor semblait souffrir tout autant que les deux autres territoires du soleil.

« Tu peux le voir d'ici que la réponse est oui. Je me demande bien quel avenir réserve le temps au Kohinoor et aux loups arctiques... »

Se confia-t-elle d'une voix peinée. Finiraient-ils par disparaitre, les uns après les autres ? S'adapteraient-ils à changement naturel ? Perdraient-ils leur identité... ?

Syliah n'arrivait plus à détacher son regard du Kohinoor. Un petit soupir lui échappa. La neige commençait à vraiment lui manquer. Le soleil s'était levé il y avait bien une demie heure maintenant et il faisait totalement jour. Le regard de Syliah parcourait inlassablement Sarkan mais surtout le Kohinoor. La Steppe des Nuages qui semblait être marron d'ici tellement la neige avait fondue, La Kailash - asséchée à l'heure actuelle - qui n'était plus qu'un fin trait marron qui s'étirait le long du Kohinoor, la Taïga du Silence qui semblait bien sombre sans toute cette neige, La Tanière dont la louve blanche devinait l'emplacement mais qu'on ne voyait pas réellement puisqu'elle était entourée d'arbres et le Col de l'Ulfric qui avait un peu perdu en neige mais dont les sommets restaient tout de même enneigés.

La louve du Kohinoor acquiesça simplement aux paroles du mâle. Enfaite, il avait tout dit et elle était en total accord avec lui. Elle n'avait donc rien trouvé à redire et à la place de dire quelque chose d'inutile elle avait préféré acquiescer en silence. Tous les loups de Sarkan n'avaient plus qu'à espérer que l'eau tomberait dans les jours à venir afin de les soulager de la chaleur. Sinon... Syliah avait bien peur que la chaleur ne rende fou les habitants de l'île. Quel carnage ce serait... Déjà qu'ils commençaient à se battre pour le manque d'eau... Une vraie misère. La femelle ne bougea pas lorsque le mâle s'éloigna un peu. Elle se contenta simplement de ramener le bout de sa queue sur ses pattes avant. Le soleil commençait à vraiment taper fort.

« Il était magnifique. »

Souffla-t-elle, songeuse, avant de se relever. Si elle ne trouvait pas un peu d'ombre et de fraicheur, avec les rayons du soleil qui lui tapaient sur la tête, elle allait finir complètement folle. Elle reprit, en passant devant Sköll.

« J'espère également que tu en auras l'occasion très prochainement. »

Sa voix était lasse. Elle était si pressée de retrouver le Kohinoor du début. La neige, la Kailash remplie à ras bord... La louve blanche commença à redescendre l'escalier, mais elle s'arrêta lorsqu'elle eut ses pattes avant sur la première marche et les pattes arrières encore sur le haut de la falaise. Elle tourna sa tête vers le mâle et planta son regard azur sur lui.

« Ça te dirais de faire un bout de chemin avec moi pour trouver de la fraicheur ? Il fait trop chaud ici pour moi maintenant. »

Lui dit-elle avant de reprendre sa route, descendant pour de bon les escaliers. Elle s'arrêta en plein coeur du temple. Il y faisait déjà nettement meilleur.