[ Saillie ] L'appel de la nature

Seirei allait désormais sur ses trois ans. Et il était ainsi soumis aux élans de désir propres à tout mâle aux alentours des chaleurs. Il se sentait excité, électrifié. Seirei n'avait jamais vraiment eu de "grande discussion" au sujet des chaleurs, puisque sa mère ne s'était jamais préoccupé d'autre chose que d'assurer sa survie future. Il savait comment tout cela était supposé fonctionner, mais davantage grâce à ses séances d'espionnage et d'écoute malintentionnée que grâce à des explications patientes et complètes. Aussi était-il un peu perdu.

Pour ne rien arranger, il savait être le seul mâle de son espèce présent sur l'île... et il n'y avait qu'une seule femelle depuis la disparition de Sorrow. Seirei voulait assurer la survie de son espèce - et surtout, il voulait vivre un jour la naissance d'une meute de coyotes, une meute qui serait capable de défendre ses membres contre les loups. Pour cela, il n'avait pas le choix, il devait avoir une descendance. Aucun coyote ne se réveillait sur Sarkan, après tout...

C'est pourquoi Seirei avait quelques difficultés à contrôler ses ardeurs. Son corps et son esprit étaient plutôt d'accord sur le principe de se reproduire à la première occasion, et seule une petite partie de sa raison s'efforçait de faire taire tout le reste de son être en répétant qu'il n'avait malgré tout pas envie de transformer ce qui devrait être un pur bonheur, la naissance de petits, en une obligation...

Une odeur délicieuse parvint à la truffe de Seirei, qui pivota pour faire face à la seule femelle coyote de l'île, Pandore. Il la regarda s'approcher, une drôle d'émotion commençant à naître dans son coeur... entraînant une réaction très physique entre ses pattes postérieures.

« Bonjour, Pandore. » répondit-il, l'esprit clairement loin de la conversation.

Ses yeux détaillèrent la femelle, s'attardant sur sa croupe et la base de sa queue, qui était l'origine du fumet qui faisait dérailler son esprit. Puis son regard se porta à nouveau dans celui, doré, de Pandore. Il s'approcha d'elle lentement, jusqu'à frôler sa truffe avec la sienne. Seirei se rendit alors compte qu'il avait retenu sa respiration, et il exhala doucement avant de franchir la très petite distance qui les séparait encore et de frotter le bout de son museau contre sa joue.

Seirei entendit à peine les paroles de Pandore alors qu'elle s'approchait de lui, fourrant son museau dans sa fourrure et prolongeant sa caresse jusqu'au cou du coyote. Celui-ci frissonna, et il ne s'agissait pas d'un frisson de peur ou de froid.

« Je... vais bien... » souffla le mâle, hypnotisé par la femelle qui était collée contre lui. « Toi... ça va? »

Il prit une profonde inspiration, puis pivota, se retrouvant flanc contre flanc avec Pandore. Il donna quelques coups de langues sur sa tête puis recula, passant derrière elle, humant son parfum directement à la source. Tout comme la femelle, il était bouillant et n'avait qu'une envie... passer à l'acte.

« Est-ce que... est-ce que tu veux bien? » hésita le coyote.

Il avait très envie de découvrir ce qu'était réellement ce plaisir diffus qui se répandait dans tout son corps, en se concentrant sur une partie bien précise, et il désirait aussi avoir des petits. Toutefois, il se refusait à s'imposer à qui que soit - encore moins quelqu'un qu'il connaissait et appréciait.

Manifestement, Pandore était tout à fait prête à aller plus loin. Le coeur du mâle se mit à battre encore plus vite en prévision de l'effort qu'il allait être sur le point de fournir.

« Terriblement, » répondit Seirei.

Il grimpa sur le dos de Pandore, utilisant ses pattes antérieures pour se maintenir en place; tous ses gestes semblaient lui venir naturellement. Il n'avait jamais vraiment appris comment il était supposé se comporter, mais l'acte de reproduction était inscrit dans ses gènes et il ne fit guère preuve d'hésitation. Certes, sa technique était loin d'être parfaite et il fit preuve de quelque maladresse, mais le coyote s'accoupla avec la femelle sans avoir l'air trop ridicule.

Une fois son action terminée, il arrêta de s'appuyer sur Pandore pour retourner à ses côtés, se frottant contre ses flancs tout en mordillant sa nuque avec affection. Son amour pour Sorrow était loin de s'être éteint, mais il préférait se concentrer sur la réalité de l'instant, et, peut-être, une famille dont il allait pouvoir s'occuper.

Seirei n'avait aucun moyen de savoir si Pandore était fécondée ou non, mais il l'espérait. Ainsi allaient-ils pouvoir sauver leur espèce, permettre la prolifération des coyotes sur l'île. Le mâle ne croyait pas à la soit-disant malédiction qui pesait sur eux, tout ce qu'il voyait était le rejet et la haine des loups à leur encontre. La réponse à cela était le nombre, et il voulait donc avoir un descendance puisqu'aucun coyote ne se réveillait sur l'île. Il apprendrait à ses petits à se méfier des loups, et tout les petits trucs qu'il avait appris sur la survie... puis, un jour, ils seraient assez nombreux pour avoir voix au chapitre.

Mais pour l'instant, ils en étaient encore loin - peut-être même que cette fois-ci ne donnerait rien... il fallait, pourtant, continuer d'espérer. Seirei incita Pandore à le suivre vers sa tanière, qui avait l'avantage d'être déjà prête à accueillir deux coyotes. Il sentait un pincement au coeur à l'idée que c'était Sorrow qui lui avait permis d'y habiter, et qu'y conduire une autre femelle ressemblait fort à une trahison... mais il n'avait pas le choix, désormais c'était à Pandore qu'il devait son soutien.

[ Out ]