« Sometimes you can't turn the page. You must tear. » ( Libre )

« Sometimes you can't turn the page. You must tear. »
‹ Syliah & ... ›

Elle se terrait sur Neona depuis bien trois jours déjà. Elle n'était plus elle même. Elle se battait chaque seconde contre elle même. Elle se battait contre la folie qui tentait de l'assaillir chaque jour de plus passé sur cette terre. Il lui arrivait parfois de tourner en rond ou bien même de virer parano. Elle se sentait épiée, surveillée. Elle avait cette sensation de ne jamais être seule. De sentir un esprit là, tout juste derrière elle. Des flashs de cette horrible journée à la Kailash lui remontait à l'esprit plus souvent qu'elle ne le désirait. Son corps s'agitait alors de tremblements incontrôlable et ses mâchoires se serraient si fort qu'elle en avait mal.

La louve blanche fit quelques pas, en boitillant. Sa patte avant gauche la faisait encore un peu souffrir, elle avait dû malencontreusement toucher un nerf, dans sa crise de rage. Elle s'en remettrait, elle le savait. Mais ça l'handicapait un peu, il fallait l'avouer. C'était un peu pour ça aussi, qu'elle fuyait le Kohinoor. Que les membres de sa meute la voit ainsi la gênait terriblement. Elle se sentait si faible, si... impuissante. Sa fierté en avait prit un sacré coup. Peut-être que finalement, la douleur physique n'était pas si importante et handicapante. La douleur morale était pire. Elle se sentait comme au bout du gouffre. Elle se sentait à bout. Sur le point de craquer et de s'écrouler. Pourtant, Syliah refusait de craquer et de se laisser tomber. Car elle savait qu'autrement, elle ne se relèverait sans doute plus jamais. Parfois, il fallait savoir aller de l'avant. Même si le chemin serait sans aucun doute long et pénible. Elle le surmonterait. Comme elle avait toujours surmonté chaque épreuve difficile de sa vie.

Syliah observa quelques cafards passer devant elle et elle soupira. Ce loup noir n'avait apporté que malheur et désolation sur Sarkan. Il l'avait rabaissée. Il l'avait mise à terre et l'avait piétinée sans aucun remord. Avec joie, même. La louve se rapprocha du bord, laissant la brise marine et le vide l'appeler. Elle tangua légèrement sur ses pattes qui se faisaient légèrement tremblantes, fermant les yeux. Puis elle les rouvrit et retrouva la stabilité sur ses pattes. Elle fixa l'île principale de son regard bleu. Elle aurait certainement du mal à retourner à la Kailash. Enfin... pour le moment. Le souvenir était encore bien trop frais pour que la blessure puisse se refermer et cicatriser...

Elle entendit des bruits de pas derrière elle, à quelques mètres. Qui pouvait bien venir ici ? Elle qui pensait pouvoir être seule sur Neona... Syliah huma l'air, vérifiant que l'autre fou n'était pas revenu pour cette fois-ci l'achever. Non, ce n'était pas lui. Pas d'odeur de mort, de terreur, d'agonie. Juste une odeur sucrée, acidulée et surtout ensoleillée. Sköll. Son coeur se serra. Elle commençait à penser qu'ils étaient fait pour se croiser. Pour ne jamais se dire adieu. Uniquement des "au revoir".

La louve blanche resta immobile à sa place, son regard bleu figé sur l'île principale. Elle observait le Kohinoor, le coeur toujours aussi serré. Son havre de paix n'était plus un havre de paix. Il était devenu sa prison. Son regard glissa jusqu'à Annalee. Ses premières terres. Sa terre d'accueil. Son attention revenue sur le Kohinoor. Elle avait cette crainte d'y retourner. Elle se sentait si vulnérable à cause de ce grand loup noir. Elle en avait encore mal au ventre, rien que d'y penser. Elle se sentait... étrange. Différente. Souillée, lessivée. Anéantie. Comme si elle devait se forcer à courir tout en étant à bout de souffle.

Après quelques minutes, elle se décida enfin à se tourner lentement vers Sköll. Elle garda sa patte avant gauche un peu en l'air, ne la laissant pas s'appuyer au sol. Elle avait mal. Elle aurait aimé pouvoir pleurer toutes les larmes de son corps. Pouvoir s'effondrer et s'avouer vaincue. Mais elle se le refusait, par orgueil et fierté. Elle se le refusait pour ne pas paraitre faible. Elle voulait garder la tête haute. Syliah remarqua alors la blessure de Sköll au niveau de son épaule. Il semblait différent, lui aussi. Il portait l'écoeurante odeur du loup noir sur lui. Elle aurait tant préféré se voir offrir une jolie blessure de guerre plutôt qu'un viol. Un viol méchant et gratuit ne servant à rien, en plus de ça. Enfin... c'était ce qu'elle pensait.

Elle resta immobile, face à Sköll, interdite. Même si elle l'aurait voulu, les mots ne lui venaient pas. Elle était comme muette. Son état de choc post-traumatique n'était pas encore de l'histoire ancienne. La douleur était encore bien trop présente et les souvenirs bien trop vifs dans son esprit. Vu comme ça, et l'aillant connu avant tout cela, on aurait pu croire qu'elle était sous sédatifs...

Si dans son physique, elle n'avait pas réellement changé, dans sa tête, tout était bouleversé. Ses yeux bleus se perdaient dans le vague. Ils criaient sa souffrance intérieure. Sa blessure morale. Les yeux ne mentaient jamais. Elle était présente sans vraiment l'être. Son âme essayait de se faire la malle. Elle n'était plus en paix avec elle même. Elle n'était plus aussi sûre d'elle. Elle n'était plus elle même. Elle était... vidée.

Lorsqu'il s'avança, elle recula, incertaine. Presque machinalement. Chose qu'elle n'aurait absolument pas faite en temps normal, le fait de reculer face à quelqu'un étant une preuve de soumission. D'ailleurs, sa posture n'était absolument pas dominante, contrairement à son habitude. Elle n'était pas non plus dans une posture soumise. Plutôt dans une posture neutre. Son poil se hérissa légèrement au niveau de son collier mais retomba rapidement à sa place. C'était plus dans un geste de défense plutôt que d'agression. Elle ne se sentait pas à l'aise. Pourtant, elle aurait bien eut besoin d'une épaule solide sur laquelle s'appuyer. Le fait qu'il l'appelle par son nom la fit un peu revenir à elle.

« Sk...öll... »

Se contenta-t-elle d'articuler avec un peu de peine. Elle n'avait pas parlé depuis si longtemps... Sa voix en était éraillée. Son regard bleu quitta longuement le regard de Sköll, le fuyant même. Elle était réellement pas à l'aise. La louve blanche se contenta alors d'acquiescer à la question du mâle brun. Elle avait du mal à parler. Lorsqu'elle avait envie de faire une phrase, elle sentait que les mots butaient et qu'elle n'arriverait pas à sortir quelque chose de cohérent. Simplement, les larmes lui montèrent au yeux, bien qu'elle se retenait. Elle les effaça bien rapidement en se frottant la tête sur sa patte qui était encore valide et redressa la tête afin de laisser ses yeux bleus replonger dans ceux de Sköll. Peut-être serait-il capable de comprendre ce qu'elle avait vécu.

Le sentiment de honte l'envahissait. Peut-être même plus que celui d'impuissance. Comment un tel scénario avait-il pu arriver ? Comment pouvait-elle se retrouver dans cette situation, elle qui avait toujours sut se défendre et se protéger ? Elle se sentait vraiment faible. Plus du tout comme une dominante. Ce loup noir avait semé l'incertitude dans son esprit. Syliah suivit du regard Sköll qui se rapprochait d'elle dans une attitude plus que neutre. Il tentait de la rassurer, et si au fond d'elle, elle lui en était reconnaissante, une partie d'elle refusait cette idée.

« Je... suis... anéantie. »

Balbutia la louve du Kohinoor, le souffle court. Une seule et unique larme s'échappa finalement de ses yeux azur, roulant sur l'une de ses joues et venant se perdre dans le vide avant d'arroser le sol sec et calcaire de la falaise. Peut-être ne pouvait-il plus l'atteindre, mais concernant le fait qu'elle ne se laisse pas détruire... c'était déjà chose faite.

« Et si ma force n'avait été qu'illusion... ? »

Se lamenta Syliah en baissant son regard. Qu'avait-elle été, devant ce loup maudit ? Rien de plus qu'une oméga. Était-elle réellement forte ? Méritait-elle qu'on dise d'elle qu'elle était la louve la plus forte qu'on connaisse ? Parce qu'elle se sentait comme une biche et non pas comme une louve, à ce moment précis.

Il se rapprocha d'elle et elle ne broncha même pas. Son poil ne s'hérissa pas, contrairement à d'habitude. Une simple bouffée de chaleur monta en elle et son poil s'humidifia très légèrement. Elle avait chaud. Elle était gênée. Elle était troublée. La louve n'avait même plus l'envie de le repousser comme elle le faisait avant. Le loup noir avait abattu ses dernières craintes et lui avait prit tout ce qu'elle avait toujours protégé. Il l'avait faite sienne alors qu'elle s'était toujours refusé l'idée d'appartenir un jour à un mâle et ce même pour quelques minutes à peine. Elle s'était promit de ne jamais offrir son amour à un loup parce qu'elle s'était promise de ne plus jamais souffrir à cause d'un mâle. Malgré ça, son passé se battait toujours contre elle et refaisait toujours surface.

Peut-être avait-elle envie d'hurler et de fuir sa compagnie. Mais une autre partie d'elle avait juste besoin d'un peu d'affection. Bien évidemment, comme il le disait - et il s'en doutait surement - elle était en colère contre le monde entier et aussi contre elle même. Sauf qu'elle n'arrivait pas à extérioriser sa rage. Sa solution était l'automutilation, comme elle l'avait fait sur sa patte lorsque le loup noir l'avait forcée à réaliser ce qui l'attendait. Subir sans pouvoir bouger.

Il ne la touchait pas. C'est elle qui fit le pas qu'il manquait pour qu'ils se touchent. Elle dû pour cela forcer sur sa patte blessée, ce qui lui arracha une grimace. Mais elle ne couina pas. Son épaule se trouvait contre celle de Sköll. Jamais elle fut aussi proche de lui. Si bien qu'elle humait son odeur à plein nez. Ça lui faisait du bien de sentir une autre odeur masculine. Ça l'aidait à oublier celle du loup noir. Finalement, elle laissa sa tête retomber contre le cou de Sköll. Ses yeux se fermèrent doucement et quelques larmes glissèrent sur ses joues, allant humidifier le collier si peu épais du mâle brun.

« Je suis désolée... »

Murmura-t-elle finalement, la voix tremblante.

Elle ne pouvait pas infiniment contenir sa douleur et ses larmes. Le fait qu'elle les laisse couler lui faisait du bien. Ça calmait ses nerfs. Elle était plus sensible ces temps-ci. C'est ce qui lui fit prendre conscience qu'elle lui faisait mal, à s'appuyer ainsi sur lui. Au moment ou elle s'apprêtait à se reculer, il lui releva la tête. Ses larmes avaient cessées de couler.

« Je me battrais. »

Souffla-t-elle finalement, bien décidée à refaire surface. Elle savait que les paroles seraient plus faciles que les faits, mais elle était décidée à ne pas se laisser abattre. Sköll l'avait faite réfléchir. Elle voulait rester forte. La louve se recula légèrement afin de ne plus s'appuyer sur Sköll.

« Pardonne moi... »

Dit-elle dans un murmure faible. Elle avait été si... peste avec lui, et pourtant, il était là, à essayer de lui sortir la tête de l'eau. Elle lui en était reconnaissante, même si au fond, ça la blessait d'être si proche de lui. Ça la blessait de l'apprécier et de sentir qu'elle perdait pieds. Ça la blessait de ressentir une telle attirance pour un loup qui était d'une meute ennemie. Elle avait l'impression de tout faire de travers, d'être elle même à l'envers. Mais après tout... Le coeur à ses raisons que la raison elle même ignore.

Il était masochiste. C'était la seule explication probable qu'elle avait pu trouver. Il aimait qu'elle l'envoie chier et qu'elle fasse sa peste, comme elle savait si bien le faire avec la gente masculine.

« Être soi-même ne pardonne pas d'être mauvais. Je ne comprends pas que tu puisses être là pour moi. Je te faisais clairement comprendre que je ne te portais pas dans mon coeur mais tu as prit ton temps pour me relever... »

Une lueur d'incompréhension dansait dans son regard bleu. Elle n'aurait jamais aidé quelqu'un qui l'aurait rejetée comme elle l'avait rejeté. Peut-être était-il simplement d'une bonne nature.

« Peut-être bien... Mais... Pourquoi continuer à se voir ? Je t'en suis reconnaissante pour aujourd'hui mais... J'ai pas vraiment envie de rester près de toi. »

Souffla Syliah. Elle essayait d'avoir un peu plus de tact qu'en temps normal. Elle voulait lui rappeler que ce n'était pas un jeu. Elle voulait réellement mettre des barrières entre eux. Elle voulait s'éloigner et mettre fin à son mal-être. Elle voulait éviter de nourrir cette flamme et de la laisser grandir.

Ainsi, elle l'intriguait ? Pourquoi ça ? Maintenant, c'était lui qui l'intriguait. Qui était-il réellement ? Il répondit à sa demande de s'éloigner par le fait que malgré tout, malgré qu'elle lui dise adieu, ils finissaient toujours par se revoir. Le destin était un traitre. Un ignoble traitre. Puis il répondit à la question qu'elle lui avait posé lors de leur dernière rencontre. Elle ouvrit de grands yeux ronds, étonné qu'il y réponde. Il n'attendait rien d'elle vis à vis de ses principes. Ses paroles sonnaient pourtant presque fausses.

« Sache qu'il y a une raison plus que valable au fait que je ne veuille plus te revoir. J'ai des principes aussi, les même que toi. Tu ne remets aucun de mes choix et principes en cause. Mais, même involontairement, tu blesses mon coeur. »

Avoua-t-elle. Elle commençait à en avoir marre de sentir son coeur s'exploser entre deux murs qui se resserraient au fur et à mesure du temps qui passait. Et s'il ne comprenait pas pourquoi elle voulait s'éloigner d'elle, elle s'obligeait à lui confier une partie d'elle.

« De toutes façons, au point où j'en suis, je peux bien te livrer une autre de mes faiblesses. »

Souffla-t-elle simplement en levant les yeux au ciel. L'attirance était bien une chose qu'on ne contrôlait pas. Ça ne les engageaient à rien du tout et si elle se confiait à lui c'était simplement pour lui faire comprendre l'enjeu du pourquoi ils devaient chercher à éviter de se revoir. Parce que si lui ne ressentait rien, elle, elle souffrait. Et elle souffrirait tant qu'il lui laissait l'occasion, contre son gré, de laisser son attirance grandir. La meute passait avant tout, dans tout les cas. Et l'amour, elle s'était promit d'oublier ce mot.

Il n'était pas le seul à avoir réalisé des choses lors de sa rencontre avec Draugluin. Et si, pour le moment, elle semblait parfaitement calme et inoffensive, au fond d'elle, tout avait changé. Le grand loup noir n'avait fait que renforcer ses idées concernant la gente masculine. Il avait nourrit son dégoût qu'elle éprouvait envers eux. Il l'avait à la fois fragilisée et rendue plus forte.

« Ne soit pas désolé. »

Se contenta-t-elle de lui souffler en se redressant lentement. Elle ne s'empêcherait pas de revenir sur Neona, parce qu'elle n'avait jamais tenu cet engagement. Mais elle garderait ses distances avec lui et elle espérait qu'il en ferait de même si jamais il remarquait que leurs chemins étaient sur le point de se croiser.

Syliah se mise finalement à marcher, dépassant le loup brun. Elle ne s'arrêta pas mais arrivée à sa hauteur elle souffla.

« Au revoir. Je ne te dis pas adieu parce que ça ne sert à rien, mais je ne considère pas cet au revoir comme tel. Je le considère plutôt comme un adieu. Je vais faire comme si je ne t'avais jamais rencontré. J'espère que tu sauras faire de même. »

Et elle disparut du sommet de la falaise, le laissant seul.

( out )