Insupportable - Prio Eira

Un vent glacial passait entre les arbres de la Taïga du Silence et faisait voleter la fourrure de la louve au pelage de neige. Cette dernière était toujours allongée là où elle s'était effondrée après le départ du loup monstrueux. Le jour commençait à peine à se lever quand Eira revint lentement à elle. Ouvrant les yeux, elle regarda devant elle et vit des arbres, des arbres grouillants d'insectes répugnants. Précautionneusement, la louve de neige se redressa, se demandant ce qu'elle faisait là exactement. Pourquoi donc avait-elle passé la nuit à l'extérieur au lieu de rentrer à la Tanière?

Pendant de longues minutes, la louve au pelage de neige tenta de répondre à cette question, mais quand les souvenirs de ce qui s'était passé au cours de la nuit lui revinrent en mémoire, elle commença à paniquer. Sa respiration s'accéléra, de même que les battements de son cœur. Elle se remit sur ses pattes d'un bond et se mit à scruter frénétiquement les environs, de crainte que le loup monstrueux ne soit revenu la tourmenter... quels qu'en soient ses raisons. Elle fut quelque peu rassurée quand elle constata que le monstre n'était pas dans les environs, mais n'en était pas moins effrayée. Progressivement, son rythme cardiaque et sa respiration s'apaisèrent et elle finit par se mettre lentement en route, sans vraiment savoir où aller, avançant au hasard et essayant d'oublier la nuit infernale qu'elle venait de vivre.

Eira avançait lentement entre les arbres, évitant chaque insecte rampant sur le sol. Elle ne savait pas où aller et avait toujours l'impression d'être observée, craignant sans cesse que le loup noir ne revienne pour terminer son œuvre avec elle, quoique ça puisse être. Elle ne cessait de repenser à ce qui s'était déroulé au cours de la nuit. Elle frémissait à l'idée de ce qui allait en découler, à savoir, une portée de ce monstre. Et si c'était le cas, pourrait-elle aimer ces petits, comme n'importe quelle mère ou les rejetterait-elle à cause de leur père et de ce qu'il lui avait fait vivre.

La louve au pelage de neige était tellement plongée dans ses pensées qu'elle ne remarqua pas l'arrivée de l'Alpha de la meute. Elle sursauta quand elle entendit Selene l'appeler.

• Bonjour Eira. Sortie pour une petite chasse?
  
• Ah, c'est toi, bonjour Selene, répondit Eira, rassurée que ce ne soit qu'elle. Si on veut, mais il n'y a pas grand chose en ce moment, hormis ces horribles insectes.

Que pouvait vraiment dire la louve au pelage de neige. Oserait-elle seulement raconter ce qui lui était arrivé. Ce serait la chose la plus logique à faire, mais Eira avait un peu honte de s'être laissé dominée ainsi par ce loup, même si elle n'avait guère eu le choix.

Selene confirma à la louve au pelage de neige qu'effectivement, les proies étaient moins nombreuses sur le territoires. Moins que lors de la sécheresse durant l'été, mais un nombre suffisamment bas tout de même. Cela dit, il restait encore pas mal de poissons dans les cours d'eau, bien qu'il faille avoir assez de dextérité pour réussir à en pêcher et surtout, ne pas craindre trop l'eau glaciale. L'Alpha rapporta également à la chasseresse qu'elle avait trouvé des bouquetins morts au pied de la montagne, probablement à cause d'une chute mortelle...

• Bizarre, quand on sait qu'ils comptent parmi les animaux les plus agiles... répondit la louve de neige, oubliant pour un court instants ses pensées moroses.

Selene lui rapporta ensuite les dernières rumeurs et nouvelles qui circulaient. Et d'un coup, sa rencontre avec le loup monstrueux lui parut encore plus réelle. Sans s'en rencdre compte, Eira se mit à trembler. Ainsi, elle n'était pas la seule à l'avoir rencontré. Ce monstre s'en prenait à tous ceux qu'il rencontrait, mâle comme femelle, dominants comme omégas ou tranquille, Solitaire ou membre d'une meute. Rien donc ne l'arrêterait donc ? Et en prime, il avait aussi croisé le chemin de la petite Pale. Selene la rassura sur son état, la jeune Oméga n'avait rien, rien d'autre qu'une peur énorme. Eira ne pouvait pas en dire autant malheureusement, car avec elle, il était allé plus loin encore... Qu'allait-elle faire ? Elle ne put retenir un petit gémissement.

La louve au pelage de neige ne cessait de trembler de tous ses membres. Si elle ne parvenait pas à se maîtriser, elle sentait qu'elle finirait par s'écrouler sur le sol. Elle se força à respirer profondément, car à ses côtés, il n'y avait que Selene, une louve qu'elle connaissait bien et dont elle n'avait rien à craindre. Le gémissement qu'elle laissa échapper inquiéta l'Alpha, et pas qu'un peu. Elle se mit à bombarder la jeune louve de questions pour savoir ce qu'elle avait soudainement, lui demandant si elle avait mal ou froid peut-être. Elle était prête à courir pour chercher leur spécialiste en herbes médicinales si besoin est et Eira s'en sentit réconfortée. Le simple fait de constater que son Alpha était prête à tout cela lui permit de se reprendre un peu. Ses tremblements cessèrent et elle regarda furtivement Selene, craignant sa réaction quand elle saurait.

• Non, Selene, je n'ai rien de grave... du moins je crois, lui dit-elle, avant que l'Alpha ne parte faire ce qu'elle avait dit. Comment expliquer ce qui lui était arrivée ? La louve au pelage de neige ne le savait pas et elle commença par expliquer : C'est juste que... tu as parlé de ce loup monstrueux...

Elle ne put en dire plus, mais Selene n'était pas idiote et comprendrait assez facilement qu'elle aussi avait rencontré le monstre et, comme pour Pale, elle n'en était pas sortie indemne.

Observant son Alpha à la dérobée, la louve au pelage de neige vit que cette dernière avait compris. Elle en paraissait choquée, voire scandalisee, mais plus encore, elle semblait véritablement indignee. Après tout, comment ce loup, aussi monstrueux soit-il, osait-il s'en prendre à sa meute ? À sa place, Eira ressentirait la même chose, mais elle n'était pas a sa place...

• Est-ce qu'il t'a violentee... ? lui demanda doucement Selene.

Tirée de ses pensées, la louve au pelage de neige plaqua ses oreilles sur l'arrière de son crâne et se mit à gemir une nouvelle fois en se coichant sur le sol au pied de son Alpha. Le souvenir de ce qui s'était passe durant la nuit s'imposa à elle et elle ne put que ho cher la tête.

Eira avait fermé les yeux, espérant, sans trop y croire toutefois, que les souvenirs la laisseraient tranquille. Elle revoyait les horribles yeux rouges sang, le poil hisute , les crocs démesurés et ne put s'empêcher de trembler à nouveau.

Le contact de Selene la fit sursauter. Elle se redressa à moitié avant de se rendre compte que ce n'était que son Alpha et se clama autant que possible.

• J'aurais aimé pouvoir vous protéger, tous, toute la meute... Mais nous sommes faibles face à ce monstre. J'aimerais vraiment pouvoir le déchiqueter, lui dit Selene d'un voix apaisante.

La louve au pelage de neige regarda son Alpha un moment, soulagée qu'elle ne songe pas à parcourir tout Sarkan pour venger sa meute, car elle savait qu'elle n'aurait aucune chance, et ce quelle que soit sa force physique et de caractère. Puis un détail lui vint à l'esprit et fit accélérer son rythme cardiaque :

• J'ai peur, Selene... Tu crois qu'il m'a... qu'il...

Eira ne put achever sa question et se contenta de regarder Selene.

Toujours allongée, Eira regardait Selene dans l'attente d'une réponse, bien qu'elle espérait que son Alpha la rassurerait en lui disant que tous ça n'était qu'un mauvais rêve et que rien n'e découlerait, qu'elle pourrait simplement oublier tout ça.

• Normalement, si tu n'étais pas en chaleur... commença à lui répondre Selene d'une voix basse.

Les chaleurs ! Eira ne savait même pas quand elle les avait eu, alors dire si durant la nuit dernière, ça avait été le cas... Elle espéra fortement que tout ça n'aurait aucune conséquence, mais cela, seul le temps pourait le dire. Eira se reconcentra sur les paroles de son Alpha. Celle-ci était en train de lui dire que, quoi qu'il advienne, ils affronteraient tout ça ensemble, toute la meute. Cela la rassura. Elle se redressa et dit :

• Malgré que j'aurais aimé que tu me mentes, je suis quand même ravie que tu ne l'aie pas fait. Merci Selene, pour tout. Je devrais peut-être rentrer maintenant.

La louve au pelage de neige se leva et s'ébroua, faisant voler la poussière et quelques insectes qui s'étaient permis de grimper sur son pelage. Elle adressa un dernier signe de tête et commença à s'éloigner en direction de la Tanière.