La nouvelle vie d'une solitaire.

En ce début de journée ensoleillée, tout près d'une tanière entièrement faite de bois et de roches, une boule de poil tricolore était à demi-inconsciente. En effet, bien que ses yeux soient fermés, ses pattes et ses oreilles remuées doucement sans raison particulière. A moins que ce soit la faute de la petite mouche qui virevoltait autour d'elle depuis un bon moment. Gênante était sans doute le mot. Mais loin de se décourager, la petite créature ne s'arrêtait pas, bourdonnant de plus en plus fort comme si sa seule tâche était de réveiller la louve. Persévérante était un mot à utiliser également car au bout de quelques minutes, les prunelles dorées de la femelle finirent par s'ouvrir d'un seul coup. Bah oui, qui pourrait tenir avec un grésillement constant près des oreilles? Pas même un humain alors encore moins un animal a l'ouïe beaucoup plus développée. Dans un mouvement de museau désespéré dévoilant des crocs blancs, Aëlya chercha à attraper la cause de son réveil. En vain ; son devoir accompli, la mouche partit sans demander son reste.

La louve n'étant plus fatiguée, elle se leva tranquillement sans se rendre compte qu'elle ne se trouvait pas chez elle, enfin à l'endroit où elle avait décidé de se poser quelques temps. En même temps à force de toujours bouger n'importe où elle ne faisait pas vraiment attention au paysage. Elle en avait vu de nombreux depuis sa naissance. Un gargouillement s'éleva et celui ci annonça qu'il était temps de chercher à manger. De bonne humeur après cette phase de carnage de quelques mois, elle se mit à trottiner doucement en humant l'air du bout du museau. Cependant, des odeurs de loups attirèrent son attention au bout de quelques minutes. Hier, elle n'avait perçu aucune odeur, c'est bien pour cela qu'elle avait consenti à passer la nuit dans un petit buisson à l'abri d'une quelconque menace.. Là il y avait un problème. Soudain méfiante, elle décida d'avancer plus silencieusement, toujours à la recherche d'une proie. Sauf que ce ne serait sans doute pas sur un petit lapin ou une biche qu'elle tomberait..

Les bruits qui alertèrent la louve ne furent pas ceux d'un petit animal comme elle en avait attrapé un hier. Bien qu'il soient tout aussi léger, ils étaient plus prononcés que le sautillement d'un lapin. Et surtout à intervalle régulier. Quoique ce soit, c'était sans doute aussi grand qu'elle et ça, ce n'était pas bon signe. Aëlya n'avait pas envie de se battre. Le vent n'étant pas à son avantage, elle ne pouvait identifier l'individu, seulement se rendre compte qu'il avançait vers elle donc qu'il l'avait repéré. Elle ne pouvait pas fuir parce que d'un, elle ne connaissait pas les environs et de deux, elle n'était pas une dégonflée. Si il fallait se battre pour sa peau, elle le ferait. La femelle continua donc d'avancer ver la provenance des sons.. pour finalement apercevoir à travers les arbres, un loup. Plus précisément une louve semblable à elle par la corpulence mais plus clair de pelage et avec de jolies yeux bleus océans.

Aëlya s'arrêta et souffla un bon coup. Ce n'était pas un mâle. Certes, elle allait mieux depuis les quelques semaines de perte de contrôle mais rencontrer un mâle la mettrait mal à l'aise. Elle n'était plus habituée à être "gentille" avec eux. Pour une première rencontre, elle en était presque soulagée. Puis, au moins si la louve était hostile, elle aurait une chance de ne pas mourir. Son regard doré suivit les mouvements de la louve jusqu'à ce que celle ci s'arrête non loin d'elle. La position qu'elle arbora fut un mélange de neutralité et de défense, montrant qu'elle ne cherchait pas la bagarre. Elle attendit que la femelle prit la parole. Et ce fut la surprise qui passa dans ses prunelles jaunes en entendant la voix douce de l'inconnue. En réponse à son salut, elle lui fit un bref hochement de tête mais ce fut la deuxième partie qui l'étonna plus encore que cette apparente gentillesse. Sarkan était sans doute le nom du territoire sur lequel elle se trouvait mais "venir de me réveiller?".. la manière dont elle les prononça comme si cela faisait une éternité qu'elle dormait l'interpellèrent. Incapable de retenir sa curiosité, Aëlya répondit presque aussitôt d'une voix qui ne reflétait pas le pétillement de ses yeux. Soit sans intonation.

- Sarkan est donc le nom du territoire sur lequel je me trouve.. Mais que voulez vous dire par me réveiller. Allez y franchement sur l'explication, je ne veux pas de compassion s'il vous plaît.

Oui, elle ne voulait pas être maternée. Elle ne l'avait jamais été. Tout ce qu'elle voulait, c'était la vérité.

Voyant la louve s'asseoir en face d'elle, Aëlya fit de même montrant par la même occasion qu'elle ne cherchait pas la bagarre. En faite, à part sa phase d'égarement à sauter sur tout ce qui était mâle, la louve tricolore n'était pas foncièrement méchante. Elle n'attaquait que si on la provoquait.. sauf que dans son cas, il y avait une tonne de choses, peut être pas toujours recevables, qui pouvait la pousser à prendre des paroles pour agression. C'était dans sa nature, voilà tout. Dans ce cas, elle était assez bien. L'inconnue dont elle ne connaissait toujours pas le prénom semblait bienveillante et comprendre sa position. Alors c'est attentivement qu'elle écouta le récit de celle ci, hochant la tête parfois pour signifier sa compréhension. En gros, elle était atterrie sur une île que l'on ne pouvait pas quitter et où personne ne savait comment ni pourquoi ils étaient arrivés ici. Superbe! Ou pas. Prenant sur elle pour ne pas émettre un grondement d'irritation, elle soupira seulement avant de répondre.

-Merci pour les précisions, je me nomme Aëlya et vous? Et y a t-il d'autres choses que je dois savoir? Meutes, territoires et tout?

Fallait bien qu'elle se renseigne sur le bourbier dans lequel elle était tombée quand même. A priori, personne ne savait qu'elle était une solitaire avant cela mais elle le resterait tout de même, c'était certain. D'où sa question qui l'informerait sur la situation actuelle de cet île du nom de Sarkan. De plus, elle était douée pour ne pas montrer ce qu'elle pensait, comme en cet instant où elle semblait impassible alors qu'en son intérieur, c'était un champ de bataille. Une île?! Impossible de fuir cette fois, elle était irrémédiablement coincée et ça s'était le pire, elle avait l'impression d'être emprisonnée.. Ce qui lui retourna son estomac, vide.

[ Ce n'est pas grave, je mets encore plus de temps, enfin là c'était les vacances ^^' ]

Cette louve était vraiment.. gentille. C'était exactement le mot qui la qualifierai le mieux en cet instant. Son contraire en gros, la femelle tricolore était tout sauf gentille, du moins depuis la mort de sa sœur. Si elle avait été à la place de la louve aux yeux bleus, son comportement aurait été hostile. A croire qu'elle avait l'habitude de rencontrer des perdus dans son genre. Ce qui était peut être le cas en fait mais Aëlya n'avait pas l'intention de demander plus que ça. Elle attendrait ses informations et partirai aussitôt, pour être seul, tranquille. Ainsi elle pourrait réfléchir à sa situation particulière, enfin pas si particulière parce que apparemment c'était arrivé à tout le monde vivant sur cette île! Bref, elle revint sur terre, -sur l'île plutôt- en entendant le prénom de la louve, Kayleen. Très beau.

Kayleen enchaîna immédiatement, après un regard aux alentours, sur sa demande en présentant les meutes et les lieux "neutres". Des souterrains pour les solitaires? Pas vraiment le luxe. Aëlya préférait l'air frais, le vent et le soleil! Cela poserait problème pour la suite mais elle n'en fit pas part à sa comparse puisque celle ci faisait partie d'une meute, elle ne le verrai pas d'un bon œil. Il restait toujours Neona apparemment mais cette autre île n'avait pas de nourriture à disposition donc elle ne pourrait pas y rester indéfiniment mais c'est par là qu'elle irait. Peut être qu'elle aurait moins de chance de rencontrer d'autres loups là bas, pour son plus grand bonheur. Il était temps qu'elle déguerpisse. D'un hochement de tête elle reprit d'une voix plus douce.

- Je te remercie pour tous Kayleen, je vais maintenant te laisser retourner à tes occupations et sortir du territoire. Peut être nous reverrons nous, dans de bonnes conditions j'espère. Au revoir.

Sur ce et n'attendant pas de réponse, elle se retourna et partit vers la plage, elle l'entendait d'ici. Si Kayleen répondait, elle l'écouterait mais ne se retournerait pas, elle était déjà perdue dans ses pensées.