[Jugé] L'eau emportera tous nos péchés

Moïra s'éveilla en sursaut. En pivotant la tête, elle put découvrir un lieu familier - la Leith - qui n'était absolument pas celui dans lequel elle s'était endormie. Un grondement grave sortit de sa gueule alors qu'elle se relevait, perturbée. Que s'était-il passé? En tout cas, le fait de reconnaître les lieux - même s'ils étaient curieusement vides de toute odeur - la rassurait. Elle n'avait pas à nouveau tout perdu, il y avait sans doute toujours un territoire d'Iselwyn et sa meute quelque part à la surface. Il s'agissait seulement d'aller les retrouver.

Le regard d'ambre de la louve arctique se perdit dans la contemplation des eaux de la rivière souterraine. Elle devait faire quelque chose, avant... quelque chose... mais quoi? Elle se sentait irritée, agitée. Comme si elle était prête à exploser à tout moment. La louve blanche secoua la tête pour se rafraîchir les idées et pivota, décidée à rejoindre la surface... mais ce qu'elle découvrit derrière l'arrêta net dans ce train de pensées. Sa fourrure s'hérissa, ses yeux se plissèrent alors qu'ils fixaient l'individu qu'elle voyait devant elle, et un grondement menaçant retentit dans la grotte.

Moïra vit un louveteau qu'elle connaissait bien s'avancer vers elle. Il s'agissait de Falkan, le fils de sa meilleure amie et Alpha. Elle aurait dû aller vers lui pour, peut-être, le réconforter face à cet environnement inquiétant, et en tout cas pour le protéger. Au lieu de cela, le voile rouge qui obscurcissait ses pensées ne fit que s'épaissir, détruisant un peu plus les capacités de jugement de la louve blanche. Elle se positionna face à Falkan, prête au combat, prête à déchirer la chair du louveteau entre ses crocs et à mettre fin à ses jours. Un grondement grave naquit dans sa gorge et retentit dans la grotte; la louve bondit en avant avec souplesse.

Moïra était bien entraînée, ses compétences de guerrière n'étaient plus à prouver. Il s'agissait d'un combat hautement inégal, même s'il pouvait réserver de sacrées surprises...

La louve blanche fila vers le mâle ébène. Juste avant de le percuter, elle fit un crochet sur le côté, puis elle tenta de lui mordre une patte. Elle visait une patte arrière mais, vraiment, n'importe laquelle lui conviendrait - elle voulait juste faire couler son sang, et puis le mettre en pièces, lentement.

Le sang du louveteau coula, éveillant chez Moïra des sentiments contradictoires. D'un côté, elle était satisfaite d'avoir atteint son but et de sentir le liquide vital sur sa langue. De l'autre côté, elle était horrifiée en constant ce qu'elle avait fait. Blesser Falkan était à ses yeux un crime, et cette partie d'elle qui n'avait pas été consumée par cette inhabituelle soif de sang hurlait de désespoir. Si elle reprenait ses sens, il y avait tout à parier que la louve arctique serait mortifiée, incapable de se pardonner, quoiqu'il advienne de Falkan au final. Toutefois, ce ne fut pas suffisant pour l'empêcher de continuer son attaque. Le voile qui obscurcissait ses pensées n'allait pas s'évanouir pour si peu.

Le louveteau noir portait à son tour une attaque. Il était clairement doué, et Moïra ne parvint pas à éviter une morsure à l'épaule. Ce fut au tour de sa fourrure d'être souillée de sang - bien que cela soit beaucoup plus visible sur du poil blanc que sur du noir. La douleur naquit à l'endroit mordu, sans que cela ne soit une gêne réelle pour la femelle. Elle savait supporter la douleur pendant un combat, connaissait les risques liés à un relâchement de son attention; et elle ne fit aucun mouvement pour s'échapper du combat. Au contraire, profitant de son avantage de taille et de force musculaire, elle entreprit de bousculer le louveteau - au vu de leur proximité, une telle action était difficile à éviter même si les dommages pouvaient être réduits. Cette manœuvre avait pour but de déséquilibrer le louveteau, afin d'offrir un accès plus facile à sa gorge ou à son ventre vulnérable. Moïra tenta donc de lacérer le ventre de Falkan à l'aide de ses griffes et de ses crocs - seulement ses crocs si elle échouait à le renverser suffisamment pour que ce soit sans trop de danger pour elle.

Le plus jeune répliqua en tentant de repousser la louve blanche avec ses pattes et ses crocs, mais Moïra parvint tout de même à lui infliger une blessure au ventre. Toutefois, la vivacité de Falkan lui avait causé toute une séries de petites lacérations au niveau de ses propres pattes, et le fils d'Alpha parvint même à planter à nouveau ses crocs dans sa chair, au niveau de l'une des pattes antérieures de la louve. Celle-ci bondit en arrière en grondant férocement, songeant déjà à une nouvelle façon d'égorger le petit ou de lui broyer la nuque. Tout sens commun avait quitté la femelle depuis bien longtemps... Cependant, son adversaire choisit la fuite et Moïra resta là, grondante de rage, incapable de passer ses nerfs sur quelque chose de vivant et tout aussi incapable de réaliser l'horreur de ce qu'elle avait été sur le point de commettre.

Le regard fou, elle se dirigea vers un tunnel pris au hasard, incertaine de ce qu'elle voulait ou recherchait, mais sûre qu'elle n'hésiterai pas à faire couler le sang des infortunés qui la croiseraient. Même s'ils faisaient partie de sa meute, même s'ils étaient du sang de sa meilleure amie, même si elle les aimait. Cela n'aurait aucune importance, absolument aucune.