La solitude désole le coeur et contente l'esprit. - Libre

Eorthan faisait sa ronde dans la nuit, solitaire, bercer par la douce lumière du magnifique astre lunaire qui dormait au-dessus de lui, veillant comme un ange gardien sur un enfant encore innocent de toute pensée tachée par l’expérience de la vie.

Il réfléchissait trop, et se torturait de diverses mauvaises pensées, comme à tous les jours, toutes les nuits depuis sa blessure. Lentement, il s’assit dans la neige, fixant l’astre de bleu abyssal, le cœur serrer pour une obscure raison. Il avait besoin de compagnie. Il avait besoin de parler à quelqu’un, de se changer les idées de toute cette folie que le monde lui envoyait chaque jour, sans relâche, le faisant au final devenir tout aussi fou qu’elle-même.

Lui qui avait besoin de liberté, d’amour, de confiance, se sentait plus confiné que jamais, étouffer par la solitude et l’incapacité de pouvoir réaliser son plus grand rêve ; pouvoir courir comme avant, dans le vent, libre de toutes entraves

Mais ces mots... Ces mots maudits qui avaient comme scellés sa vie...

Quand il était gamin, son père lui avait raconté l’histoire d’un vieux guérisseur, qui avait assisté à sa naissance... Il lui disait que le loup, dès qu’il avait posé un œil sur lui, à peine naissant, avait souri d’un air mélancolique, et avait prononcé à voix basse des paroles dans un charabia étrange, avant de s’éloigner en murmurant à l’intention du louveteau nouveau-né, d’une voix sombre et funeste

« ... Amis et amours vont et viennent, mais tu es né, et tu mourras seul »

Bien sûr, l’alpha, son père, avait chassé le vieux loup du territoire, apeurer par ses dires, et insulter d’un tel comportement à l’égard de sa descendance..

Eorthan, quand il était lui-même jeune, riait de bon cœur de cette histoire, traitant le guérisseur dont son père parlait de vieux schnock, de fou.... Mais au final, avait-il peut-être raison?... Était-il condamné à mourir seul?... Et s’il n’avait jamais entendu cette histoire… Aurais-ce été différent?

Eorthan secoua la tête, et se releva. La nuit était douce, frêle, et bien qu’il était chargé de veiller sur la frontière, il avait besoin d’aller marcher dans les bois un peu. Il s’enfonça dans la taïga du silence, puis se mit à marcher en longeant la Kailash, observant son reflet dans l’eau, perdu dans un état de mélancolie suprême.

Au bout d'un moment, il s’arrêta, à l’endroit où la louve bêta et lui s’étaient chamaillée l’autre fois. Il s’approcha de l’eau, et en lapa un peu, afin de faire taire sa soif.

Un faible hurlement, d’une douceur et d’une tristesse frappante atteignit ses oreilles, et la chair de poule le traversa. C’était comme si quelqu’un avait ouvert son cœur, et en avais pleuré tous les chagrins.... C’était comme si le hurlement s’adressait à lui, et, en écho à son âme, avait exprimé toute sa solitude, et sa tristesse.

Il se redressa, le poil hérissé et le cœur douloureux, et, lentement, bougea la tête vers l’endroit d’où était venu le hurlement. Comme un homme attiré par le chant d’une sirène, il se dirigea vers le col de l’Ulfric, et lentement, monta, avant de ralentir le pas en sentant l’odeur qui flottait dans l’air.

Était-ce?....

Il continua de gravir, accélérant le pas sous la lumière de la lune, et finit par s’arrêter, essouffler, son cœur sautant un battement en apercevant Selene.

Eorthan.

Un problème ? Des intrus ?

Eorthan resta sans bouger devant la louve, paralyser, la regardant en respirant par la bouche..

C’était donc elle qui avait fait ce hurlement?... Qu’est-ce qui pouvait bien la chagriner à ce point?... Car oui, il n’y avait pas de doute, elle n’allait pas bien. Quelqu’un qui irait bien n’aurait pas poussé un tel hurlement, quelqu’un qui irait bien ne serais pas resté seul, à l’écart de tous, dans la nuit. Il était certain que quelque chose se tramait chez elle, quelque chose qui semblait grandement l’affecter.

Il se reprit lentement, et se rendit compte de la position dans laquelle il était.
Qu’allait-il lui dire? Qu’il avait quitté son poste car il en avait envie?..
Un dilemme le rongea. Commencer sa relation dans la meute par un mensonge?..
Ou bien être honnête, et devoir très probablement assumer une conséquence, ou voir la confiance qu’on placerait en lui s’amincir?
Il tenta de se calmer, et reprit un air plus sérieux, plus grave. La réponse était toute simple; Il n’avait qu’à ne pas aborder la question. Oui, c’était très simple. Et les chances de réussite étaient beaucoup plus grandes que celles d’un mensonge.

Eorthan se rapprocha un peu au-devant de la femelle, gardant son allure fière et calme habituelle, et il s’assit.

« Selene... »

Sa voix était douce et grave, peut-être un peu plus douce qu’il ne voulait la faire, mais il ne s’en rendit pas compte.
Il prit un souffle, et continua sans laisser transparaitre d’émotions qui pourraient le trahir

« Non, ne t’inquiète pas pour ça, tout va bien.... J’étais seulement allé m’abreuver un peu, et puis.... J’ai entendu un hurlement.. »

Il sourit tristement, et posa un regard compréhensif dans les yeux de l’alpha,
avant de demander toujours sur le même ton calme et doux

« .... Ça ne va pas, pas vrai? »

Il ne s’attendait pas à une réponse. Il savait déjà que ça n’allait pas, c’était certain. Et bien qu’il ne s’attendît pas non plus à ce qu’elle se confie à lui, nouveau comme il était, il tenait tout de même à lui faire savoir qu’il la comprenait.

Nous sommes sur une île perdue au milieu de nulle part, mon fils s'est retrouvé coincé hors du territoire un long moment et mon ancien gamma m'a trahie de la pire façon qui soit. Effectivement, deux trois choses me tracassent, mais rien qui ne puisse être changé par moi.

Le mâle qui m'a défiée il y a peu a aussi menacé Pale, l'omega. Sans compter qu'il a attaqué sans vergogne Syliah et n'a pas eu la présence d'esprit de fuir quand je l'ai banni et que j'ai donné la chasse. Il a été d'abord Bêta, mais je me suis rendue compte qu'il était d'une rare incompétence. Je l'ai donc dégradé. Plus tard, il a regagné ma confiance et je l'ai nommé Gamma. Et celui qui devait garder à tout prix nos frontières, garantir la sécurité, a entraîné une femelle d'une autre meute sans m'en parler, sans scrupule. Il savait qu'elle était d'Annalee.

Quel imbécile. Enfin, ses menaces me rendent forcément nerveuse. Je ne suis pas invincible.

Eorthan vit le poil de la louve gonfler, et pensa une seconde qu’elle allait se fâcher. Il ne savait pas vraiment définir la différence entre un loup qui essayait de se montrer supérieur, un qui essayait de se faire charmant, ou avais froid….

Il garda son regard sur Selene. Sous la lumière de la lune, le poil ainsi ébouriffé, et les yeux luisants doucement… Ça lui donnait des airs plutôt…. Jolie.
Il haussa d’abord un sourcil quand celle-ci se mît à se confier à lui, puis il se détendit à nouveau et hocha doucement la tête en signe qu’il était attentif. Il s’attendait à un peu tout, sauf biensur à ce qu’elle lui en parle ainsi, ouvertement.

Eorthan la laissa terminer de parler, peinant à suivre le flot de mots qu’elle émit, un peu trop captiver par son regard. Ses yeux vairons étaient d’un beau petit charme, et sous la lune, ils luisaient faiblement, comme deux perles aux couleurs angéliques.

Il prit une seconde pour relire dans sa tête les informations qu’on venait de lui donner, gardant un air calme. La femelle avait un instinct maternel et un esprit de meute plutôt louable, et cela le fît sourire. Peu se seraient soucié autant d’un simple oméga, ou de leur meute comme s’ils étaient de la même famille. Certes, ils se seraient inquiété, mais pas à ce point. Ou du moins, dans sa meute d’avant, ce n’était pas comme ça.

Il se sentit tout de même un peu mal, l’histoire du traitre lui plaisait peu, et quand les autres autour de lui se sentaient mal, il ne pouvait s’empêcher de faire de même. Disons qu’il était euh…. Empathique…. Bon, d’accord, très empathique…….. Empathique beaucoup, énormément, à la folie?

Eorthan se releva, en poussant un « Hum. Je vois.. », Puis il s’approcha plus près de la louve encore, se retrouvant à à peu près un mètre d’elle. Il prit la parole, d’une voix se voulant réconfortante

« Détends-toi un peu…. Je sais que ce n’est surement pas facile, mais il n’y a rien de pire que de se torturer ainsi. »

Ses mots s’adressaient à elle, mais, en un même temps, il se parlait aussi à lui-même. Il avait besoin d’arrêter de se torturer avec toutes sortes d’idées, il ne faisait que s’enfoncer lui-même, et s’inquiéter pour des choses pourtant futiles, quand on y pensait.

Il se dégagea de son air sérieux, et prit un air plus doux, plus gentil.

« … Et puis je suis là. Tout va bien aller, maintenant, tu peux m’en faire confiance…. »

Il ne parla plus, se contentant de regarder Selene dans les yeux, un sourire calme aux lèvres, et un regard brillant d’intelligence.

Ne le prends pas mal car ça n'a rien de personnel, mais étant donné que je te fais pas réellement confiance, ta présence ne m'assure que le fait qu'au moins, je serai prévenue si ça part n'importe comment à la frontière.

Et j'ai eu mon lot de confiance trahie, de toute manière. A chaque fois que je tente le coup, c'est pour me prendre un retour de bâton dans les dents.

Si je vois que les choses sont bien faites, j'accorde un rôle sans problème. Mais quand ça en vient à ma sécurité personnelle, ou la confiance en une personne en particulier, d'un sens plus affectif, j'ai énormément de mal.

Eorthan laissa s’échapper un grondement sourd. Il faisait d’énormes efforts pour avoir l’air agréable, et c’est comme cela, avec cette froideur et ce cru, qu’on lui répondait.
Il reprit son air austère, et se referma sur lui-même. Il essayait de faire connaissance, d’être agréable... Et on lui répondait comme ça. Froidement. Et sans rendre un geste de gentillesse, ou ne serait-ce que de politesse.

Oui, il s’exprimait mal. Oui, il était aussi habile qu’un louveteau pour faire la conversation. Et oui, la plupart du temps il parlait plus pour lui-même que pour les autres. Mais ses intentions étaient bonnes. Il faisait de gros efforts pour essayer de changer cela, de s’améliorer... Sauf que l’on ne lui laissait pas de chance. Qu’importe s’il faisait de l’humour, était sérieux, ou gentil, on le jugeait toujours de manière négative.

Alors à quoi bon seulement essayer, si tout ce qu’il faisait était pris en mal?...

Eorthan écouta l’alpha parler sans état d’âme, sans bouger. Il bouillonnait de l’intérieur de lui dire le fond de ses pensées, mais fit force sur lui-même pour se contenir.

Le plus fort est celui qui tient sa force en bride...

Il posa un regard froid, et à la fois brûlant sur la louve. Dans ses yeux pouvaient se lire une indescriptible flamme, comme une colère ardente, contenue, qui menaçait d’exploser à tout moment. Il s’en fichait de ce qui allait se passer. Il prit une inspiration entre ses dents, causant un petit sifflement, et commença d’une voix froide, sans émotions, comme mécanique

« J'essayais seulement d'être agréable. Mais si tu veux le prendre comme ça, libre à toi. Je t'en prie. »

Sa voix était comme saccadée, et il parlait un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Il enchaina, d’une voix un peu plus émotive, brûlant et légèrement venimeux

« Je ne te connais pas. Mais s'il y a bien une chose que je ne peux pas supporter, c'est de voir quelqu'un faire sa petite nature. Tu crois que tu es la seule à avoir vécu ça, à t’être fait trahir? Tu penses peut-être que c’est une bonne idée de te renfermer, de te barricader au tréfonds de toi? Que ça va régler quelque chose? »

Eorthan avait pris un air colérique et hautain, et se tenait debout sans bouger, le poil ébouriffé, fixant Selene avec un regard où se mêlaient ombres du désespoir et flammes de la colère. Il continua, parlant plus rapidement et plus fort, vidant tout ce qui lui passa par l’esprit

« Ce n’est pas en arrêtant de faire confiance aux autres que tu vas corriger ce qui a été fait. En arrêtant de faire confiance à tout le monde, par peur de se faire blesser à nouveau, on ne fait que se blesser sois-même. Mais si tu préfères me juger sans me connaitre, et penser que je vais forcément te blesser si tu poses ta confiance en moi, alors soit. Mais ne va pas pleurnicher que tu n’as personne sur qui te reposer, si tu pose ce jugement sur tout le monde. Ne va pas pleurnicher quand tu te rendras compte que tu en as besoin. Et ne va pas te plaindre si je te rends la pareille. La confiance, ça marche aussi des deux côtés. »

Il avait accéléré et haussé la voix au fur et à mesure, prenant un ton souverain, mais gardant pourtant un grand calme, une grande froideur dans sa voix. Ce qu’il venait de dire était un rabattu de n’importe quoi, de toutes les émotions qui lui étaient venus en l’entendant parler, de tout ce dont il souhaitait intérieurement avoir le courage de faire... Oui, c’était de la belle m*rde. Très belle. Avec des dorures, même.

Eorthan resta à la regarder en reprenant un peu son souffle, conscient qu’elle allait surement grincer les dents qu’il lui fasse ainsi la morale, surtout avec le ton et l’air qu’il avait pris..... Mais il s’en fichait.

Tu te penses, toi, en droit de me qualifier de pleurnicheuse, alors que tu viens toi même de faire le pauvre malheureux "bouhou, on me fait pas confiance" ? Tu te penses meilleur, peut-être ? Parce que des loups qui se pensaient meilleurs, j'en ai vu, et j'ai envoyé l'un d'eux se faire voir ya pas quelques jours.

Tu sais ce dont j'ai envie là ? De botter ton c*l de prétentieux. Tu ne sais rien de moi et j'ai été simplement honnête. Tu veux pas d'honnêteté ? Casses-toi. Je n'ai jamais dis te juger de manière fixe, à jamais, j'ai dis que je ne faisais pas confiance d'un point de vue affectif. Le rang qui se mérite par le travail, je n'ai jamais rechigné à le donner à qui que ce soit.

J'ai pas besoin de conn*rds qui se pensent trop bien pour ne pas gravir l'échelle de la hiérarchie. Tu sais qui est la petite nature entre nous deux ? Celui qui ne veut pas se salir les pattes pour gagner sa place et sa nourriture dans une meute et se permet de juger sans vouloir être jugé en retour. C'est à dire toi ! Les loups hautains qui n'ont de valeur que celle d'un corniaud ne sont que des poids. J'ai toujours défendu les miens de manière désintéressée, si tu ne sais pas mettre de côté tes émotions et arrêter de te draper dans ton p*tain d'orgueil qui n'a clairement pas lieu d'être, tu peux aller voir ailleurs.

Eorthan resta figé, la bouche entrouverte, écoutant l’alpha parler en sentant son cœur se crisper. Il sentit une piqure glaciale l'atteindre, le paralysant, glaçant tout son corps, et causant des élancements douloureux dans son cœur, et dans sa tête. Chaque mot, chaque phrase que prononça la louve furent comme un supplice pour lui, le transperçant de part et d’autre, laissant s’écouler de ses veines tous ses sentiments refoulés, cachés, oubliés.

Pourquoi était-il aussi stupide... Pourquoi tout ce qu’il faisait était aussi maladroit, idiot, sans but ni raison, sans queue ni tête... Pourquoi fallait-il que chaque fois, il gâche toujours tout avec des idioties.

Il sentit sa gorge se nouer, et recula d’un pas. D’un seul. Sa queue, haute, était retombée complètement, pointant sous lui, et ses oreilles s’étaient plaquée contre son crâne. Devant la colère de l’alpha, à la fois brûlante, impériale et glaciale, il se sentit comme un nouveau-né, faible, soumis, sans pouvoir. Son poil, hérissé, s’était complètement apaisé, et il se retrouva, tout petit, à se faire assaillir par les paroles de Selene, l’écoutant sans l’entendre, la regardant sans la voir. Ressentant une grande souffrance sans la ressentir....

La louve se tenait devant lui, le submergeant de mots trempés de flammes, se tenant comme une déesse indignée.

Oui, il avait raison...

Le plus fort est celui qui tient sa force en bride.

Et la plus forte, c’était elle....

Lui qui se sentait "puissant", croyant contenir sa "force", se rendit compte d'à quel point il était faible en vérité. Il avait sous-estimé la femelle, et maintenant, se retrouvait tel un morceau de bois se faisant fracasser par la mer déchainer sur les récifs...

Eorthan resta sans bouger pendant une dizaine de secondes quand elle eut terminé, reprenant son souffle, manquant d’air. Il avait les yeux grands ouverts, et on pouvait y lire une douleur et un effroi sans égal. Il aurait voulu arrêter d’exister, de vivre, disparaitre, désintégrer dans l’atmosphère.

Ses pattes tremblaient, et ses oreilles sillaient. Il essaya de reprendre son souffle, le cœur au bord des lèvres, mais sa vue se troubla, et il tomba au sol lourdement, sur le flanc.

Il ferma les yeux, échappant un bruit rauque, comme si on lui avait cassé toutes les côtes, et qu’on avait compressé ses poumons....

Eorthan fit un rictus de douleur, et fut pris de puissants spasmes. Il contracta ses muscles, serrant les crocs, luttant contre la sensation brûlante qui s’était saisie de son visage... Il vit des flashs de sa vie passées à toute vitesse.... Il vit l’incident, ressentit la douleur à sa patte... Il vit... Le mal qu’il avait causé.... La louve qui s’était fait bannir pour SES erreurs, qu’il avait mises sur son dos... Son arrogance, sa cruauté qu’il avait eue, blâmant, insultant les autres... La peur dans leur regard quand il était devenu alpha... Il était un monstre. Il était un monstre, et il s’en rendit compte.

Au bout d'un moment il poussa un couinement, comme si on l’avait transpercé de part et d’autre, et les spasmes arrêtèrent, une larme coulant sur sa joue.

Tremblotant, couché au sol devant la louve, il sentit une sensation vive, désagréable et pourtant libératrice en même temps le parcourir. Elle venait de passer au travers de son masque, de ses barrières, elle venait de réanimer son coeur sans le savoir. Elle venait de le libérer... Il ne referait plus jamais les mêmes erreurs. Plus jamais il ne mentirait sur sa personne, plus jamais il n’agirait ainsi, non, c’était fini, il était las de jouer le jeu... Il enfonçait les autres, pour se remonter lui-même... Il était brisé, seul, se sentant faible en vérité, et il le cachait en se donnant des airs...

Il voulait être lui. Qu’importe ce qu’on en penserait, il ne voulait plus jamais faire fît d’être quelqu’un d’autre. Il valait mieux d'être détesté pour ce qu’il était, que d’être aimé pour ce qu’il n’était pas... Il pourrait être détesté, blâmer, insulter, mais plus jamais...

Il se recroquevilla, et fondit en larmes, murmurant d’une voix rauque et brisé

« Désolé..... Je suis tellement désolé... Pardon..... »

Au bout d'un moment, Eorthan rouvrit un oeil avec peine, et le posa sur Selene. Il avait l’air d’un idiot et d’un faible. Surement qu’elle ne comprenait rien et qu’elle le traitait de fou dans sa tête. Mais pour la première fois dans sa vie, il se foutait complètement de ce dont il avait l’air.

Il reprit son souffle, un peu, et implora l’alpha d’une faible voix

« ... Pardon..... »

Relèves-toi.

Tu devrais retourner avec le reste de la meute, Eorthan. Il vaut mieux que je reste seule jusqu'à ce que ma colère soit passée. Je n'ai aucune envie de passer ça sur un autre loup.

Dis moi si tu vois quoique ce soit d'inhabituel.

Eorthan resta plusieurs secondes à regarder Selene, alors qu’elle paraissait comme... Glacée. Perdue dans ses pensées, ailleurs. Il se maudit une seconde d’avoir fait dévier les évènements ainsi, puis se ravisa. Ce qui était fait ne pouvait être changé. Il ne pouvait rien y changer, alors à quoi bon s’enfoncer davantage pour cela.

La louve sembla reprendre un peu ses esprits, expirant, et son regard se reconcentrant sur ce qui se trouvait devant elle, c’est-à-dire lui. Eorthan sentit un frisson passer sur son échine. L’air qu’elle donnait était sombre, très sombre. Elle lui adressa la parole, d’une voix à la fois fatiguée, et froide, et se détourna de lui, le laissant un peu perplexe. Elle ne lui en voulait pas trop?.... Il espérait qu’elle ne lui en voulait pas, mais surtout, espérait qu’elle ne s’en veuille pas à elle-même pour cet incident étrange. Il resta au sol, sans bouger, observant la louve dans sa froide splendeur..

Sous la faible lumière de la lune, d’un air à la fois sombre, froide, et combattante... Elle avait vraiment les allures d’une déesse. Des allures d’être prise d’un grand tourment, d’avoir un grand poids, et un grand pouvoir sur ses épaules. Elle continua sur le même ton, alors qu’il refermait plusieurs fois de suites ses yeux pour les sécher.

Eorthan reprit un air plus calme, plus neutre, et se releva en s’éloignant aussitôt, gardant une posture plus soumise qu’auparavant, tout d’un coup respectueux pour la femelle. Elle le méritait. Oui, elle méritait amplement son respect, et il la considérait maintenant supérieure à lui. Nulle personne depuis la nuit de son incident n’avait réussi à gagner un tel respect à ses yeux, et c'était la première fois qu’il se sentait ainsi à l’égard de quelqu’un. Il s’éloigna pour la laisser respirer un peu, et s’arrêta pour écouter ses paroles.

Eorthan avait peur qu’elle ne s’en veuille, pour cet incident qui était entièrement de sa faute. Il sentait dans l’air une atmosphère désagréable se poser, et sentait qu’il se tramait quelque chose chez la louve. Cette sensation qu’il sentait dans ses tripes, l’air chargé d’une atmosphère lourde, difficile à cerner... Cela lui rappelait quelques discussions qu’il avait eues avec son père. Le mâle, quand quelque chose le contrariait, ou l’affectait profondément, gagnait des airs... Sauvages, indiscernables, et refoulés. Comme la louve arborait présentement.
Il eut le goût de contredire sa parole, et de rester avec elle, mais se rendit à l’évidence; Ça ne finirait surement pas bien s’il faisait ainsi.

Il soupira, se remettant un peu des évènements tout frais, et s’éloigna encore un peu de l’alpha, d’une démarche calme. Quand il fut à quelques pas plus loin, il rassembla ses idées, et, en essayant de ne pas paraître trop idiot, s’exprima à la louve d’une voix basse, comme lasse, mais en même temps étrangement heureuse

« ... Merci de ton honnêteté, Selene...... Tu ne le sais peut-être pas encore, mais tu m’as rendu un grand service, aussi fou que cela puisse avoir l’air..... »

Il se retourna encore, et fit quelques pas supplémentaires, avant de s’arrêter à nouveau et de continuer en lui faisant dos

« .... Je veillerai de mon mieux à ce que la meute ne soit pas menacée par une intrusion, ne t’inquiète pas.. Fait attention à toi, et bonne nuit..... »

Sa voix était douce, rassurante, et calme, mais c’était surtout lui-même qu’il essayait de rassurer, il savait que cela ne ferait surement pas grand effet sur la louve blanche.

Eorthan s’éloigna, marchant lentement de par où il était venu, regardant le ciel le cœur un peu plus léger. Demain serait un autre jour. Et le loup qui se réveillerais à l’aube ne serait plus le même.

Dernière édition par Eorthan le Mar 9 Déc - 19:26, édité 1 fois

Bonne nuit

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