Au désespoir

Elle avait faim. Trop faim. Le désespoir l'avait portée jusqu'au Puits Sylva, qu'elle avait escaladé en hâte, tentant d'éviter à tout prix les loups d'Iselwyn. Il ne fallait pas qu'elle soit remarquée, absolument pas. Mais la faim l'avait emporté sur la prudence. De toute façon, très bientôt, les derniers rats giseraient dans l'estomac des trop nombreux solitaires et des crotales d'Anupa. Bientôt, pour chaque repas, ce serai de cette façon qu'elle devrait se nourrir: en voleuse, risquant sa vie pour un malheureux lapin. En attendant, sa chasse aux rongeurs était bien trop infructueuse, assez pour qu'elle se risque sur Iselwyn.

Pandore courait, haletante mais essayant quand même d'éviter tout bruit ou trace trop voyante qui pourrai la trahir. Elle avait flairé plus loin une trace d'écureuil et suivait maintenant la piste du rongeur roux. Et elle l'avait trouvé: un joli rouquin perché sur un buisson bas, si appétissant, attirant face aux quelques rats qu'elle avait pu dénicher dans les souterrains. Ses pattes se détendirent et la proie poussa un cri, tentant à son tour de sauter hors d'atteinte de la prédatrice, mais pas assez rapidement. Sa vie cessa presque aussitôt, alors que la femelle s'acharnait sur le petit corps encore chaud pour le dévorer, satisfaire ce vide qui rongeai son ventre. Le bruit de l'eau masquait la sauvagerie dont elle faisait preuve pour déchiquetter son butin. Pandore laissa derrière elle les derniers restes, sa faim momentanément disparue.

Elle posa ses pattes dans la rivière, rivière qui commençait à refroidir sensiblement avec l'automne, réprimant un frisson. Là-dedans, personne ne pourrait la sentir. Plongeant entièrement dans la Moriko, frigorifiée, elle laissa le courant l'emporter jusqu'au Puits Sylva, espérant qu'un loup qui passait la confondrai avec un bout de bois flottant.