Tout ce qui doit arriver arrivera, quels que soient vos efforts pour l'éviter. Tout ce qui ne doit pas arriver n'arriveras pas, quels que soient vos efforts pour l'obtenir. — Libre.

Sorrow quitta le Temple à une vitesse folle. Être entourée de loups l'avait rendue encore plus mal à l'aise qu'à l'accoutumée. Elle avait eut l'impression d'étouffer, de mourir dans d'atroces souffrances. Et ce loup gris aux yeux oranges... Il lui avait fait froid dans le dos. Encore plus que les autres. Le Temple en lui même la rendait mal à l'aise. C'était comme si le lieu refusait sa présence en son sein. Comme si... Elle n'avait aucune raison d'être ici.

La coyote s'arrêta enfin, lorsqu'elle arriva au pied de la falaise Tuncay. Elle n'avait pas eu énormément de chemin à faire mais elle était bien assez heureuse de retrouver sa "maison". Enfin ça... C'était à un petit détail près. En se rapprochant de sa tanière, que Sköll lui avait creusée il y avait maintenant des années de ça, elle reconnu l'odeur de Seirei et de... Pandore. Ainsi que d'autres odeurs de coyotes qu'elle ne connaissait pas. Son coeur se serra douloureusement. Elle eut l'impression que son coeur allait s'arrêter de battre. Elle se sentait presque trahie. Trahie et déçue. Pourtant, elle savait qu'elle n'avait pas le droit de l'être. C'était elle qui était partie après tout. Mais... Il avait invité Pandore à vivre dans sa maison. Sa maison à elle. Celle que Sköll avait creusé pour elle, lorsque sa mère l'avait abandonnée. Ce lieu était sentimental pour elle.

Et bien évidemment, la jalousie était aussi de mise. Pandore et Seirei étaient maintenant ensemble et avaient fondé une famille. Tout ce qu'elle n'avait pas. C'était frustrant. Elle aurait pu avoir tout ça. Sorrow retenu ses larmes de justesse et elle fit demi-tour. Elle avait besoin de s'en aller. N'importe où, mais elle devait s'en aller.

Seirei n'était pas revenu immédiatement à la tanière familiale après être sorti de ce faux Sarkan. Il avait trop peur de ce qu'il y trouverait. C'est pourquoi il s'était emparé de l'excuse de la chasse - il s'agissait d'un besoin vital, mais il aurait pu aller à la Falaise Tuncay plutôt que de s'embarquer dans les souterrains - pour retarder son retour. C'est ainsi que lorsque le coyote arriva sur la Falaise, il portait un gros rat dans sa gueule. Ces derniers semblaient avoir pris du poids pendant son absence de l'île - ou alors il avait eu la chance de tomber sur un beau spécimen.

Au vu de la veine de pendu qu'il avait en ce qui consistait à trouver des carcasses lors de ses ballades sur les territoires des meutes, ça ne le surprendrait pas outre mesure...

Seirei s'avança donc vers la tanière des coyotes, le coeur battant à tout rompre. Allait-il y trouver le cadavre de Pandore? Celui des petits? Rien du tout? Le coyote s'arrêta net. Il ouvrit la gueule sous le coup de la surprise, laissant tomber le rat à ses pattes. De toutes les hypothèses qu'il avait élaborées, celle-ci n'avait certainement jamais figuré ne serait-ce que comme improbabilité. Sorrow. Sorrow était là. Après tout ce temps... après toutes les recherches qu'il avait effectuées pour la retrouver... et elle était revenue. Seirei resta silencieux, incapable de décrocher un mot, tiraillé entre le soulagement intense, la joie euphorique, et la colère. Après tout, il était fou de joie de la voir, mais puisqu'elle était vivante... en bonne santé... alors pourquoi l'avait-elle abandonné? Où était-elle partie?

Sorrow marchait d'un pas lent sur la plage. Elle ne savait pas tellement ou aller. Cette découverte l'avait vraiment sonnée. Elle aimait Seirei plus que tout et l'imaginer avec une autre lui faisait du mal. Énormément de mal. La jalousie la bouffait. Elle en tremblait. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi l'avait-elle abandonné ? L'avait-elle inconsciemment poussé vers Pandore ? Pour X ou Y raison ? Elle serra les crocs. Elle s'en voulait tellement maintenant. Elle regrettait réellement ses choix et son impulsivité.

La rouquine s'arrêta soudainement tout en relevant la tête. Ses yeux bleus venaient d'apercevoir une silhouette qui se mouvait au loin. Une silhouette plutôt petite et carrée et... Rousse. Qui se rapprochait plutôt rapidement. L'individu s'arrêta à quelques mètres d'elle à son tour, tout aussi brusquement. Il laissa tomber sa proie à ses pattes.

Le coeur de Sorrow se mit à battre bien plus fort et plus vite. Puis il se serra de nouveau. Douloureusement. Seirei. Seirei ! Malgré le malaise évident que lui procurait cette scène, Sorrow était heureuse. Vraiment heureuse. Folle de joie. Euphorique. Hystérique. Intérieurement, dans son cerveau tout autant que dans son coeur, c'était la fanfare. Sa queue remuait doucement de gauche à droite tandis que ses yeux bleus cherchaient à sonder les émotions du coyote. Elle était si heureuse qu'elle en avait quasiment oublié la nouvelle qu'elle venait d'apprendre. Seul Seirei comptait pour le moment.

Sorrow l'avait vu, désormais. Le coeur de Seirei semblait vouloir sortir de sa poitrine tellement il battait fort, et il avait l'impression de sentir le sang pulser dans son corps. Seirei était perdu, il ne savait quoi penser. Son amour pour Sorrow n'avait pas disparu, d'autant plus que son affection pour Pandore ne s'était jamais muée en cette passion qui existait entre Sorrow et lui. Et, à vrai dire, Seirei était du genre opportuniste, enclin à délaisser de précédents arrangements pour d'autres qui l'intéressaient plus. Cependant, il avait des petits et cela changeait grandement la donne.

« Sorrow, tu... » commença le mâle avant que sa voix ne lui fasse défaut. « Tu vas bien? »

Elle était peut-être blessée. Peut-être que c'était la raison de son absence. En tout cas, elle semblait heureuse de le revoir... lui aussi l'était, et sa posture clamait qu'il n'avait qu'une envie: se précipiter sur elle pour la toucher, lui donner des coups de langue affectueux, vérifier que c'était bien elle et que rien n'allait de travers. Cependant, le mâle songeait encore à ses petits et à ce que ce retour allait bien pouvoir changer dans la vie de sa famille. Il n'abandonnerait sûrement pas les siens, mais il ne voulait pas non plus renoncer à Sorrow...

« Je... je suis papa, maintenant, tu sais. » finit-il par dire sur un ton presque de défi.

Cela voulait en effet dire qu'il ne l'avait pas attendue, qu'il avait continué sa vie sans elle. C'était douloureux - surmonter son absence l'avait été également...

Sorrow avait bien du mal à décrocher son regard de Seirei. Elle avait également du mal à rester à sa place. Elle n'avait qu'une seule envie... C'était d'aller se blottir contre lui. La proximité avec le mâle l'électrisait. La période des chaleurs n'aidaient pas à la garder parfaitement lucide. Son instinct, ses hormones et une partie de son coeur lui criaient tous en coeur de lui faire des avances. Seul son cerveau parvenait à rester calme et à la faire résister. Mais elle avait si envie de lui...

Son corps réagissait avec une longueur d'avance. Sa queue se déplaçait lentement, de gauche à droite, tout en marquant de très courtes pauses lorsqu'elle se retrouvait sur le côté de sa croupe. Elle ne retenait plus ses chaleurs, au contraire. Elle les laissaient se diffuser dans l'air et se mélanger à l'odeur de l'iode. Des frissons parfaitement visibles faisaient vibrer sa peau.

« Je me sens... Un peu étrange. Mais ça va. Et toi Seirei... Comment vas-tu depuis le temps ? »

Sorrow n'aimait pas tellement cette conversation. Elle savait qu'ils finiraient par en venir aux nouvelles et sans doute également à sa disparition. Il l'avait pourtant fait. Il avait embrayé sur les nouvelles. Sur le fait qu'il était père désormais. Alors qu'elle n'avait toujours pas de famille, elle. Et s'il ne l'avait pas forcément dit méchamment, dans la tête de Sorrow, ça sonnait un peu comme un "je suis désolé, j'ai passé l'éponge et je ne peux pas me permettre de me montrer irresponsable en flirtant avec toi parce que je ne suis plus seul désormais".

« Je sais. J'ai... Senti leur odeur. »

Elle s'efforça de faire retomber son excitation due à leurs retrouvailles et fit au mieux pour faire taire et son instinct et ses hormones. Sa queue s'immobilisa finalement, le long de ses pattes.

« Je... Je suis heureuse pour toi. Et pour... Pandore. Toutes mes félicitations, bien qu'elles arrivent en retard... »

Souffla finalement Sorrow en essayant de rester joyeuse face à cette nouvelle. Assez curieusement, l'entendre de vive voix par Seirei était bien plus difficile à encaisser que de l'avoir deviné toute seule...

Seirei avait quelques bouffées de chaleur. En effet, le temps n'avait rien fait pour diminuer l'attrait qu'il ressentait vis-à-vis de Sorrow, et elle lui semblait toujours aussi belle. Aussi désirable. Et elle était réceptive, il le sentait. Mais non, il n'avait plus le droit de penser à elle de cette façon - il était le compagnon de Pandore, pas celui de Sorrow. Aussi douloureux cela puisse-t-il être. Alors pourquoi son coeur se serrait-il à ce point, pourquoi avait-il presque envie de pleurer? Et pourquoi cette horrible sensation ne faisait-elle que se renforcer au fur et à mesure des paroles de la coyote?

Le mâle eut beaucoup de mal à ne pas détourner la tête. Bon sang, pourquoi était-il aussi attristé alors qu'il avait toutes les raisons d'en vouloir à mort à Sorrow? Celle-ci l'avait laissé tout seul, alors même qu'il s'était raccroché à elle pour continuer à vivre et à ne pas se laisser tomber dans le défaitisme.

« Sorrow, je... tu sais que ce n'est... plus vraiment possible entre nous, » bafouilla Seirei.

Il se rapprocha néanmoins de la femelle, incapable de s'en empêcher, incapable de résister à son charme et à ses propres désirs. Il voulait tellement frotter sa fourrure à la sienne, lécher son museau, faire la fête, être heureux de l'avoir retrouvée! Sa gorge se serra. Désormais, le coyote n'était plus qu'à quelques dizaines de centimètres de Sorrow. Fixant son regard dans celui de la femelle, il se retrouva capturé par le bleu intense de ses prunelles. Fasciné. C'était comme si toute cette tension et tout ce stress accumulés dans le cirque se relâchaient d'un coup. Le coyote termina de parcourir la distance qui le séparait de Sorrow, et la pointe de sa truffe effleura la joue de la femelle, avant qu'il ne s'appuie contre elle bien plus franchement. Toute prudence oubliée.

Seirei caressa la coyote dont il était amoureux - Pandore n'existait plus que comme un écho très lointain dans son esprit - enivré par l'odeur des chaleurs et l'euphorie des retrouvailles mêlées au soulagement de la sortie du cirque. Autrement dit, il ne pensait plus très bien et laissait ses hormones le diriger. Ainsi que son coeur, à qui il est d'autant plus difficile de dire non qu'on n'en a pas envie... à force de cajoleries, Seirei se trouva idéalement placé pour concrétiser la passion qui animait leur relation, encore aujourd'hui; toutefois même son esprit embrumé attendit d'obtenir l'accord de sa belle avant de passer à l'acte. Et ainsi, doucement, amoureusement, Seirei ne fit plus qu'un avec Sorrow...

Ça faisait si mal. Les paroles de Seirei résonnaient dans sa tête. Bien évidemment qu'elle savait que ce n'était plus possible entre eux. Il avait une famille désormais. Une compagne. Des gamins. Il ne pouvait pas se permettre de vagabonder voir d'autres femelles. C'était... Injuste. Terriblement injuste. Mais tout ça, c'était de sa faute. Entièrement de sa faute. C'était elle qui était partie après tout. Et puis, à y réfléchir... Rien ne les réunissaient réellement tout les deux. Enfin si... Leur espèce. Autrement, Pandore lui convenait largement mieux qu'elle ne pouvait lui convenir. Ils étaient si différents...

Le coyote se rapprocha doucement d'elle. Sorrow ne le quitta pas du regard. Il était si beau... Son coeur se serra de nouveau. Malgré la joie qu'elle ressentait pour l'avoir retrouvé, elle était triste. Pouvait-on seulement empêcher un coeur d'aimer ? Elle se retenue pour ne pas soupirer. Elle n'avait pas envie de gâcher ce moment. Sorrow frissonna aux caresses du mâle. C'était si plaisant. Elle avait presque l'impression que rien n'avait changé. Si seulement...

Tout se passa plutôt rapidement. La rouquine sentit Seirei se diriger vers sa croupe et un frisson agita doucement son corps. Elle ferma doucement les yeux et, sans réfléchir, décala franchement sa queue sur le côté. Elle le voulait. Elle voulait le faire. Qu'il soit le premier comme il était son premier amour. Résister était bien trop dur. Elle ne pouvait plus résister à ses hormones et à l'amour infini qu'elle lui portait. Elle voulait simplement se lier à lui, peu importe les conséquences finales. Elle voulait partager ce lien avec lui. Rien qu'avec lui.

Et elle le partagea. Elle partagea avec Seirei ce doux et éphémère moment empli de passion et d'amour.