Profiter de la chance

Hécate était affamée. Ils avait de sérieuses difficultés à attraper des rats. Malgré ses efforts, elle ratait la plupart du temps sa cible. De plus, sa mère avait aussi des difficultés et ne la pourvoyait plus vraiment en nourriture. Elle estimait peut-être que ses petits devaient désormais se débrouiller seuls, en outre. Ce qui n'était pas faux... en outre, un ventre affamé était certainement une excellente motivation pour augmenter ses capacités de chasseur.

Soudain, une odeur alléchante attira l'attention de la louve. Cette dernière se trouvait dans la grotte aux gemmes, à l'orée du puits sylva. Un fumet de sang, et de mort, parvenait à sa truffe... incapable d'y résister, la jeune louve s'aventura dans les terres qu'elle savait appartenir à Iselwyn. Elle avait trop faim. Hécate découvrit le cadavre d'un chevreuil gisant sur les pierres qui formaient la base de l'escalier montant vers le territoire d'Iselwyn. Sa nuque, ainsi que l'une de ses pattes, étaient brisées. Il était manifestement tombé dans le puits, et n'avait pas pu se rétablir, peut-être à cause de la mousse humide qui poussait sur les rochers. En tout cas, c'était une aubaine pour la solitaire. Celle-ci se précipita sur le cadavre tiède et presque froid du chevreuil et entreprit de le dévorer. Elle commença par les parties les plus tendres, celles qui étaient les plus faciles à déchiqueter. La louve aux yeux vairons avalait autant de bouchées qu'elle le pouvait, ne se donnant pas la peine de mâcher. Elle savait que l'odeur du sang allait attirer d'autres intéressés et elle n'était pas de taille à lutter contre un loup adulte alors qu'elle n'avait qu'un an. Aussi, elle se gava autant qu'elle le pu, mangeant peut-être la moitié de son propre poids en moins d'une dizaine de minutes.

Repue, incapable d'avaler quoique ce soit de plus, Hécate recula. Sa gueule était maculée de sang et elle la lécha avec application. Elle ne toucherait plus à la dépouille du chevreuil - mais peut-être que quelqu'un était déjà arrivé pour l'y remplacer...

( Okay :3 )

Éros crevait la dalle. Il s'était réveillé de mauvaise humeur. Allez savoir pourquoi. En tous les cas, il était de mauvais poil. Et il avait sacrément faim. Ce qui ne l'aidait absolument pas à tenter de calmer ses nerfs. Sa mère venait de leur couper les vivres. Elle avait osé ! Elle les avait réunis, tous les trois, pour leur expliquer que désormais ils étaient grands et qu'ils pouvaient chasser pour leur propre compte. Parce qu'elle avait déjà bien assez d'elle même à s'occuper. Elle avait continué sur tout un discours concernant la vie en solitaire. Comme quoi c'était compliqué, patati et patata. Comme quoi la bouffe tombait pas du ciel. Quel dommage.

Ce fut donc l'odeur du sang, tout naturellement, qui guida le jeune mâle solitaire jusqu'au Puits Sylva. Il en frissonna d'impatience. Il trouva assez rapidement ce qu'il cherchait ; la dépouille déjà bien commencée d'un chevreuil. Et sa soeur, Hécate, en arrière plan. Mais ça, il s'en fichait. Il ne lui adressa même pas la parole mais fonça directement sur la carcasse de l'animal tout fraichement mort. Éros continua l'oeuvre de sa soeur, plantant ses crocs dans la chair tendre de l'animal. Il alla chercher les organes intéressants qu'il restait puis s'attaqua à la chair, jusqu'à être repu. Autant dire qu'il ne restait plus grand chose de la bestiole après son passage. Satisfait, il se recula, visiblement de bien meilleure humeur maintenant que son estomac était bien rempli.

« Et dire que maman n'arrêtait pas de dire que la bouffe ne tombait pas du ciel. »

Rigola-t-il, en se retournant pour faire face à la louve. Éros se dirigea ensuite vers sa soeur qui était encore toute barbouillée de sang. Terriblement classe cette gamine, en mode tueuse sanglante. Il s'arrêta ensuite face à elle et lui donna quelques coups de langue sur le museau, là où des traces de sang avaient persisté malgré le bref nettoyage d'Hécate.

Les cliquetis que des griffes produisaient sur le sol rocheux mirent Hécate en alerte. Elle se tendit, songeant qu'elle allait sans doute bientôt avoir à faire avec un membre d'Iselwyn furieux... mais ce fut son frère qui apparut à la place. Ce rustre ne s'embarrassa même pas de lui souhaiter le bonjour ou de lui accorder ne serait-ce que la moindre miette d'attention. Il commença aussitôt à se servir sur la proie qu'elle avait elle-même entamée, et son obstination à ignorer complètement sa soeur démarra une certaine irritation chez cette dernière. Comment osait-il, cet enfoiré? Il n'avait décidément aucune manière. Une véritable honte à l'éducation que leur mère leur avait donné!

Hécate resta à regarder son frère manger, devenant de plus en plus contrariée à chaque seconde. Lorsque celui-ci fut repu, il se dirigea vers elle - puis eut le toupet de lécher le sang qui se trouvait toujours sur le museau d'Hécate.

La louve ne gronda pas, même si ses yeux vairons jetaient des éclairs. Au lieu de cela, elle donna un coup de patte violent à la tête de son frère, dans un mouvement semblable à une gifle. Que cette attaque réussisse ou pas importait peu, même si Hécate tirerait sûrement une bonne dose de satisfaction si elle parvenait à sonner ou à faire saigner son frère.

« C'est vraiment trop te demander de montrer un minimum de respect à autrui, Éros? » siffla Hécate en se drapant dans sa dignité blessée.

Puis elle secoua la tête d'un air clairement désabusé.

« Réflexion faite, toutes mes excuses d'avoir posé la question. Un crétin comme toi est sûrement incapable de la comprendre. »

Oui, c'était la guerre. Hécate n'aimait pas du tout l'attitude d'Eros, et elle voulait le lui faire savoir. Elle était sûre qu'il aurait des quantités impressionnantes d'ennuis plus tard, et elle ne voulait pas y être mêlée - d'ailleurs, s'il venait lui demander son aide un jour, il pourrait aller se faire voir!

Sa soeur semblait si... Furieuse. Aucun grognement ne monta dans sa gorge, et pourtant, il devinait assez aisément qu'il la mettait totalement hors d'elle. Rien que son regard suffisait à le lui confirmer. Elle le mitraillait du regard. Chose qui le fit sourire. Son regard vairon se plongea dans celui de sa soeur. Il fit exprès de la regarder avec insistance et détermination. Il se recula finalement d'environ deux pas tout en se léchant les babines.

Il évita d'ailleurs de peu le coup de patte assassin de sa soeur. Un petit pouffement de rire lui échappa d'ailleurs. Elle se pensait plus maligne que lui, peut-être ? Une lueur de défi traversa son regard vairon et il banda ses muscles. Le poil de son échine était très légèrement hérissé. Pas pas agressivité ni par peur. Ni même pour paraitre plus imposant qu'il ne l'était déjà. Non, c'était plutôt... Naturel chez lui. C'était son côté un peu... Paradeur.

« Tu es ma soeur... Mais tu restes hélas ni plus ni moins qu'une femelle Hécate. »

Et les femelles, c'était des êtres faibles... Non ? Peut-être qu'il y avait des exceptions. Mais pour lui, une femelle restait une femelle. Une femelle, ça rêvait de stabilité, du grand amour, des gamins et tout le reste. Pourquoi offrir du respect à ceux qui ne le méritaient pas ? De toutes manières, seule sa petite personne comptait. Les autres... Et bien ils passaient en arrière plan. Et encore. Éros rigola aux paroles de sa soeur.

« Pauvre petite louve... Tu te défends comme ça ? Tu essaies de me piquer avec tes mots ? Fais bien attention à toi... »

Peut-être ne mesurait-elle pas entièrement le danger qu'il pouvait représenter pour elle, liens du sang ou pas...

C'était tout de même incroyable que son frère et elle aient tous deux hérité des yeux vairons de leur père. Hécate détestait avoir ce point commun avec lui. En fait, elle détestait tous les points communs qu'elle avait avec Eros. cAu mieux, ce n'était qu'un bon à rien, au pire un dangereux énergumène. Mais dans tous les cas, leur lien de sang n'avait guère de valeur aux yeux de la louve grise. Elle n'hésiterait pas à s'en prendre à lui en cas de besoin - elle en mourrait d'envie, en fait. Ce désir de mordre était clairement visible dans son regard.

« Oui, je suis une femelle, et fier de l'être. Je n'ai pas la moindre envie d'avoir le QI d'un écureuil comme toi. Après tout, votre cerveau n'est pas premier organe avec lequel vous pensez, vous les mâles! »

Hécte ne recula pas d'un iota, ses muscles se tendant dans l'anticipation d'une éventuelle bagarre. Elle ne pensait pas qu'un combat contre Eros doive se solder par sa défaite, car de son point de vue, s'il la battait question puissance musculaire elle était sûre de l'emporter question intelligence. Et puis son frère était trop paresseux pour s'entraîner. Ou pas assez intéressé.

« Je n'ai pas peur de toi, frérot. La seul et unique atout des mâles, c'est leur brutalité... et ça n'est pas suffisant. »

Hécate avait conscience de jouer quelque peu avec le feu mais elle ne pouvait pas laisser Eros penser qu'il était meilleur qu'elle simplement à cause de son sexe.

Éros rigola doucement, lorsque sa soeur se mise à défendre la cause féminine. Pauvre petite bête innocente. Il ne l'écouta pas réellement. Enfaite, l'entendre débattre toute seule sur le fait que les femelles n'étaient pas si faibles que ça et qu'elle était fière de faire partie de ce groupe ne l'intéressait pas mais vraiment pas du tout. Pas le moins du monde. Ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Rien. Nada.

Cependant, lorsqu'elle parla du fait que le cerveau n'était pas le premier organe avec lequel les mâles pensaient, son rire cessa pour laisser place à un grand sourire... Pervers. Oh, oui, il n'avait aucune honte à se montrer obscène envers sa soeur. Pas le moins du monde.

« D'la bouffe reste d'la bouffe, n'est-ce pas ? Et bien une femelle c'est pareil. Ça reste qu'une femelle. »

S'il était parfaitement irrespectueux et insolent envers les femelles, il n'était pas forcément totalement misogyne non plus. Il ne détestait pas les femelle. Il n'y voyait simplement que des objets. Des pions à déplacer sur l'échiquier qu'était la vie. Il voyait les mâles de la manière au final. Enfin, en retirant l'aspect sexuel, évidemment. Dans son esprit, seule sa petite personne comptait. C'était pas si compliqué.

« C'est moche de faire des amalgames soeurette. Ça fait déjà deux fois. Tu ne fais que valider ce que je disais précédemment... »

Et elle lui donnait raison. Alors, elle qui se prétendait si intelligente... Était-elle vraiment persuadée de l'être autant qu'elle voulait l'affirmer... ?

Hécate se tendit, son envie de juste attaquer son frère se faisant plus forte à chacun des mots qu'il prononçait. Il ne s'agissait vraiment que d'un enfoiré de première. Comment une louve aussi exceptionnelle que Lilith avait pu donner naissance à une telle andouille dépassait la compréhension de la louve aux yeux vairons. Vraiment, elle refusait de reconnaître qu'elle-même possédait le moindre lien de sang avec Eros.

« Un jour tu regrettera ton attitude, Eros. Le monde ne tourne pas autour de toi et si tu crois que tu peux y vivre sans te confronter à la réalité, tu vas avoir une mauvaise surprise. »

Hécate découvrit brièvement ses canines, impliquant que cette mauvaise surprise risquait fort d'être de multiples morsures à un moment ou un autre.

« Je suis sûre que tu n'apprécierais pas du tout de perdre tes précieux petits bijoux. »

Castrer son frère lui semblait être une meilleure idée chaque jour. Cependant, elle n'ignorait pas qu'elle n'était pas en mesure de réaliser une telle opération à l'heure actuelle. Eros possédait toujours l'avantage de la force musculaire, qu'elle ne pouvait compenser que par des compétences techniques... et elle ne les possédait pas, du moins pas encore.

Il pouvait ressentir cette envie qu'elle avait de le réduire en morceaux. Ça l'amusait. Il n'avait absolument pas peur d'elle. Même s'il ne s'était pas tellement entrainé depuis le temps et qu'Hécate y faisait attention elle.

« Bla, bla, bla. »

Se contenta-t-il de répliquer, lassé par les leçons de moralité que lui donnait sa soeur. Il s'en fichait. Vraiment. Il en avait rien à faire de ses principes, de la moralité, des lois, des liens du sang... Il s'en fichait. Alors, si, il n'y avait que sa petite personne qui comptait.

Si intérieurement il grimaça à l'idée de se faire castrer, il resta parfaitement impassible extérieurement. Un simple sourire à la fois pervers et narquois se dessina sur ses babines.

« Si tu reparles une seule fois de mes attributs masculins, je te jure que je ferais en sorte que tes premiers pas de ce côté là soient les plus douloureux et humiliants que possible. »

Et c'était une réelle menace cette fois ci. Non pas qu'il le ferait forcément de lui même - il n'était pas fou ni masochiste - mais il s'arrangerait pour la faire souffrir... Pour l'humilier et la rabaisser. Qu'elle ferme un peu sa grande gue*le. Les liens du sang ne comptaient pas pour lui. Alors si elle continuait à le faire chier avec ses leçons de morales... Il n'hésiterait pas une seule seconde à l'envoyer dans la gueule du loup.

Il ne l'écouta pas tellement parler. Ou plutôt si, il l'écouta, mais on va dire que tout ce qu'elle disait avait tendance à entrer par une oreille... Et ressortir par l'autre. Tant qu'elle ne disait pas de choses intéressantes - ce qui était bien quatre-vingt-dix-neuf pour-cent du temps - c'était simple ; il ne l'écoutait pas. Pourquoi se fatiguer à écouter quelqu'un qui raconte des trucs inintéressant après tout, hein ?

« Adieu soeurette... Amuses toi bien surtout. »

Rigola-t-il avant de tourner les talons et de s'en aller à son tour, du côté de Neona. Parfois, il trouvait sa soeur réellement... Fragile. Émotionnelle. Trop impliquée. Pauvre petite chose...

( Out )