I'm lost · Libre

Cormak était essouflé. De fatigue, mais aussi choqué. Il s'était passé trop de choses dans les derniers jours pour qu'il appréhende tout. D'abord, il y avait eu ce coup d'état. Il y était allé, et il s'était dit qu'il n'aurait pas dû. Si il était resté à la tanière avec sa mère, peut-être serait-elle encore en vie. Elle était morte. La réalité lui sautait aux yeux, ici dans cette caverne de gemmes. Il n'avait plus de mère, il n'avait jamais eu de père - et venait d'apprendre qu'il avait été détrôné -, il n'avait plus de meute. On lui avait toujours dit qu'il partirait un jour. Qu'il n'avait sa place que le temps d'apprendre à survivre. Le jeune s'était inconsciemment figuré qu'il aurait le temps. Qu'il avait encore du temps. Beaucoup de temps.

Une rancoeur sans nom lui bouillonnait dans la tête. Il se remémora le corps de sa mère, inerte sur le sol de la forêt brûlée. Et au dessus, un gris-blanc qui discutait tranquillement de repas avec un autre. Comme si il s'en fichait. Les membres des meutes étaient tous des traîtres, des hypocrites. Des menteurs. Des lâches! Yluziah lui avait conseillé de rejoindre une meute, après son exil. Il lui désobéirai, cette fois. Il ne serai plus jamais un mouton obéissant.. Les meutes ne valaient rien! Une haine nouvelle l'envahit.

Mais... si il ne rejoignait pas de meute, il n'avait que deux possiblités: la solitude ou la violence. Autrement dit, les solitaires ou les Renégats. Le jeune se sentait vraiment perdu. Etre un solitaire, se coucher aux pattes des meutes et de leurs stupides membres, respectant leurs frontières? Etre une brute épaisse sans coeur, tuant sur commande et se battant toujours, couvert de cicatrices?

Il n'avait pas envie d'y réfléchir, et sûrement pas maintenant. La faim le faisait souffrir, maintenant qu'il n'y avait plus de carcasse à racler après une chasse en meute. Cormak se redressa, et orienta ses oreilles vers un couinement. Rat? Il avait souvent entendu parlé des bestiaux habitant Khthonia et nourissant les solitaires. Il allait devoir s'y résigner. Le jeune mâle bondit vers la proie, les pattes tendues. Il l'intercepta de justesse, et hésita un peu avant de le tuer comme il voyait les adultes le faire, en croquant la gorge. Elle était légèrement plus solide que prévue. Evidemment, sinon comment résister à la moindre chute, au moindre choc? Il retourna le petit rongeur encore chaud et mordit dans son ventre, surpris du goût. En comparaison, les proies de la forêt lui semblaient juteuses, de vrais mets exquis alors qu'il n'y avait goûté presque que sur des carcasses nettoyées.

Ange était de très mauvaise humeur, chose plutôt commune chez les renégats. Ils avaient du fuir, cette sal*pe de louve blanche avait eut de l’aide et les trois renégats avaient fait demi tour. Enfin les deux autres Ange s’en foutait pas mal, seulement s’étaient des lâches qui avaient pris la fuite dés que les quatre mâles étaient apparu, et la louve brune n’était pas folle au point de se battre seule contre cinq loups. C’était perdu d’avance, elle était donc partie comme les autres. Mais elle avait du mal a accepter cette fatalité même si au moins le contrat avait était fait.

Ange resta un moment dans la galerie des reflets a grogner contre les deux boulets que le chef lui avait refilé comme ‘‘partenaires’’, elle aurait largement était aussi efficace si elle avait était seule. La louve brune avait fait par décidé de regagner la Leith avant de passer par la Nerezza pour enfin parvenir a la grotte aux gemmes. Et la surprise, Ange aperçut un jeune mâle brun en train de bouffer un rat. Elle s’approcha de lui, la queue droite et les crocs découverts, avant de s’arrêter a quelques mètres du mâle et de grogner pour signaler sa présence. Ce jeune loup serait parfait comme défouloir pour Ange, et la louve brune avait bien besoin de se changer les idées. Fixant le mâle, la louve brune hérissa les poils de son collier:

« Alors petit, on s’est perdu? »

Cormak releva la tête de son rat à l'approche d'une femelle. Une femelle brune aux intentions clairement malsaines. Oh oh. Une seule chose était sûre: il ne faisait pas le poids du tout contre elle. Première solution, s'enfuir tout de suite. Deuxième solution... la retenir un peu par la parole et s'enfuir.

- Mêle-toi de tes oignons. répliqua-t-il.

Pour rien arranger, elle semblait plutôt en colère. Et Cormak était maintenant un jeune sans-meute, affamé, perdu et sans personne pour le défendre. Il était dans une sale situation. Il fallait à tout prix qu'il déguerpisse. Très vite même.

Derrière lui, il y avait un tunnel. Il ignorait totalement vers où ça menait, même si aucune odeur de meute ne le parcourait. En tous cas, si la femelle esquissait le moindre mouvement agressif... Il décamperai. Il était plus petit, il courait sans doute mieux qu'elle... Du moins l'espérait-il. Peut-être pourrait-il la semer sur un terrain comportant des cachettes. Être discret était son "don".

Le mâle brun releva la tête à l’approche d’Ange, il semblait tendu. Il regarda le tunnel qui se trouvait derrière lui, mais répliqua tout de même qu’elle devait se mêler de ses oignons. La tentative de répartie du jeune loup fit apparaître un sourire clairement amusé et moqueur sur les babines de la louve brune, elle s’approcha légèrement du mâle:

« Depuis quand les microbes se permette de répondre? »

En s’approchant, Ange remarqua que son odeur était différente de celle des renégats ou de celle de la louve blanche, penchant légèrement la tête:

« T’es de quelle meute? »

En d’autre circonstance, Ange en aurait eut complètement rien eut a fou*re de son odeur et lui aurait sauté dessus sans même prendre la peine de lui adresser la parole. Mais les choses avait changé, tuer tous les loups qu’elle croise ne la ferait pas se réveiller dans un autre endroit.

La femelle lui adressa un sourire moqueur. Cormak se tendit un peu plus, essayant de le montrer le moins possible - plus ou moins réussi. Il n'avait plus la protection de sa meute, désormais. S'il se faisait attaquer par celle-là, personne ne viendrait le venger. Il y aurait des chances qu'ils soient contents, certains même. Il devait faire un gros effort pour empêcher ses griffes de crisser contre la roche.

La question de la brune le surpris un peu. Il voulait justement ne plus y penser et voilà qu'elle lui demandait de quelle meute il était. Peut-être sentait-elle l'odeur d'Iselwyn encore sur lui. Il y a quelques heures, ce territoire était encore le sien.

- J'en ai plus. J'étais un Iselwyn.

La femelle devait bien se moquer de ces détails. Il était un bâtard de toute façon, et maintenant un orphelin sans meute. Qu'est-ce qu'elle en avait à faire? Si elle voulait lui dire de rejoindre une autre meute, elle rêvait.

La réponse du jeune loup l’étonna, il n’avait plus de meute? Il était bien trop jeune et faible pour tenter de survivre en solitaire, peut être avait il des envies suicidaires. Un sourire malsain se dessina sur les babines de la louve, tandis qu’elle fessait doucement le tour du mâle, le détaillant sans gêne, avant de se replacer devant lui:

« T’as des envies de suicide p’etre? Je doute qu’un microbe comme toi puisse survivre en solitaire. »

Ange marqua une légère pause:

« Enfin t’peux bien crever la gueule ouverte, j’m’en fous. Mais si j’te recroise, j’serais p’etre pas aussi gentille… »

Le ton d’Ange était calme, mais plein de sous-entendus, cela voulait clairement dire que la prochaine fois, elle se gênerait pas pour lui laisser un petit cadeau… Sur ces paroles, la louve brune retroussa les babines, montrant ses crocs au jeune loup; mais c’était plus pour appuyer ses dires, que par réelle agressivité. Ange partit ensuite vers le tunnel qui menait au territoire des renégats.

D'abord, cette louve le menaçait. Ensuite, elle remuait le couteau dans la plaie béante; il n'avait plus de meute, plus de mère et plus personne pour lui. A la pensée qu'il puisse mourir en solitaire, sous-alimenté, il manqua grogner de dégoût. Enfin, manqua.

- Tu crois que j'aurais eu le choix? répondit Cormak, amer.

Il se força à ne pas reculer quand la femelle fit claquer ses crocs pour appuyer ses dires. Eh bah celle-là, il n'avait pas grand intérêt à la recroiser... Retenant un soupir de soulagement en la voyant s'en aller, il se rassit, contemplant les restes du rat. Elle avait raison sur un point: si effectivement le rat était son seul moyen de survie, ça risquait d'être compliqué. Il regarda un moment le tunnel qu'elle avait emprunté, sans doute rejoindre son groupe. Peut-être une renégate, qui sait? Le jeune exilé se surprit à songer à sa vie sur Keres. Hum...

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