Rétrospective - Jill

Au retour de son escapade à Neona, alors qu'elle nageait maladroitement, Jill s'est demandé si elle ne ferait pas mieux de se laisser sombrer. Déjà exténuée par l'aller, le retour avait grignoté ses dernières forces, et il lui avait semblé que l'eau glaciale l'invitait à laisser tomber. Les paroles de Morpheus qui lui revenaient incessamment à l'esprit ne devaient pas y être étrangères. La petite louve noire s'est également demandé si elle ne pouvait pas tenter de rejoindre le véritable océan, et de là nager, nager sans fin jusqu'à ce qu'elle atteigne une bande de terre ou, mieux, que l'épuisement finisse par lui être fatal, et qu'elle coule sans laisser aucune trace. Néanmoins, cette perspective l'a effrayée, et elle a fini par poser à nouveau les pattes sur l'île de Sarkan.

Cela fait à présent plusieurs jours, peut-être même une semaine ou deux, qu'elle a rencontré Morpheus. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'en est pas revenue indemne. Il n'y a pas que ses espoirs à avoir été déchirés, détruits ; sa santé en souffre également. Depuis quelques temps, Jill sent une toux mauvaise la saisir, à intervalles irréguliers. Ce n'est pas une toux très forte, ni très dérangeante, mais il s'agit tout de même d'une toux, et la petite louve noire a bien l'impression que si elle ne réagit pas, ce début de maladie va empirer.

La traversée de la mer, en cette saison si froide, n'était pas une bonne idée. Jill en subit désormais les frais. Son pelage mouillé a dû la refroidir. Elle se sent faible et complètement épuisée. Elle a fait ce qu'elle a pu pour comprendre, cependant rien n'est clair, sinon le fait qu'elle soit prisonnière sur l'île, pour toujours. La petite louve noire y repense pour la énième fois, tandis qu'elle cherche Yluziah, l'oméga et guérisseuse de la meute. Il faut qu'elle trouve la louve aux yeux verts ; et pas seulement pour lui demander un remède contre la toux, pour lui demander aussi une présence, et une certaine amitié.

Jill se souvient de leur première rencontre, Yluziah n'avait pas été antipathique, ni indifférente. Cela lui redonne un peu de courage, alors qu'elle arpente les terres d'Iselwyn. Finalement, c'est au lac Penllyn, là où elle a croisé Obsidian, que l'effluve d'Yluziah se fait le plus récent. Jill suit sa piste dans la neige, et bientôt elle peut apercevoir la guérisseuse, assise sur le sol, près de ce qui ressemble à une étroite tanière. La petite louve noire s'approche doucement, en ayant l'impression, au fur et à mesure que la distance entre elles s'amenuise, que la silhouette d'Yluziah est comme voûtée, accablée elle aussi par un chagrin que Jill ne connaît pas.

« Yluziah ? » appelle-t-elle avec une voix légèrement rauque. « C'est Jill » s'annonce-t-elle inutilement, simplement pour éviter de surprendre la guérisseuse. La petite louve noire tente de la retenir, mais une quinte de toux lui échappe à ce moment-là.

Bien qu'il soit éphémère, Jill parvient à apercevoir le sourire d'Yluziah. Durant la seconde où il existe, il lui réchauffe légèrement le coeur. Si Yluziah lui sourit, c'est que tout n'est pas si mal. Néanmoins, une fois cette grimace de bonne augure effacée, Jill voit resurgir en la guérisseuse la tristesse et l'inquiétude, après qu'elle ait toussé. Cette dernière lui demande ce qu'il s'est passé pour qu'elle soit malade ainsi, et la petite louve noire se demande si elle doit tout raconter. L'espace d'un instant, elle se souvient que c'est Yluziah qui lui a conseillé d'aller voir Morpheus. Et que, somme toute, elle pourrait l'accuser. Horrifiée par ses propres pensées tordues, Jill ne répond pas. Elle se contente d'approcher, un peu nerveuse.

Yluziah l'invite à se mettre près de l'arbre abattu qui camoufle un trou, pour pouvoir être examinée. L'odorat de Jill perçoit quelques effluves de plantes - qu'elle est incapable d'identifier. La guérisseuse aux yeux verts l'interroge à nouveau sur ce qu'il s'est produit, et à nouveau sa patiente se demande si elle doit tout dire ? Tout l'accablement qui pèse sur elle depuis deux mois ? « Je suis allée sur Neona » finit-elle par dire. Puis elle se tait une minute. Elle suppose qu'Yluziah comprendra pourquoi.

« Je voulais rencontrer Morpheus, parce que tu me l'avais proposé, et je voulais comprendre, mais... » La voix cassée de Jill s'éteint. Posant son regard sur le lointain lac Penllyn aux abords pris par la glace, elle veut pousser un soupir et se met à tousser à la place. Sa quinte passée, elle s'assied tout près de l'arbre, incapable de poursuivre sur ce sujet sans avoir l'impression que l'on la serre à la gorge tellement celle-ci est nouée. La petite louve noire essaie de choisir un autre thème de conversation, par exemple elle pourrait demander à Yluziah quelles sont les plantes dans la petite tanière ou est-ce que tu n'as pas trop faim, moi si, et le froid, n'est-il pas terrible ? Mais rien n'a d'intérêt, rien n'a de sens.

« Je l'ai vu, Morpheus, il était sur la plage par une chance extraordinaire. Il faisait si froid là-bas, avec la pierre sombre et les bourrasques de vent. » Jill s'interrompt à nouveau, puis ajoute en tremblant un peu : « Il m'a dit qu'il n'y avait pas d'espoir. » Cette dernière phrase lui fait mal. Elle ne sait pas continuer, ou tout en elle va se briser, ou elle va se briser elle-même, mais en tout cas elle ne saura pas supporter.

Quand Yluziah approche avec plusieurs plantes, Jill ne peut réprimer un regard curieux. N'étant pas guérisseuse et ne s'étant jamais intéressée à ce domaine, elle ne reconnaît aucun végétal, exception faite du thym, à cause de son odeur puissante mais agréable, qui rappelle les soirs d'été. Déposant ses denrées près de la petite louve noire, Yluziah pousse vers elle de petites branches qu'elle lui conseille de mâcher - sans avaler. Quoique peu enthousiaste à manger du bois, Jill ne trouve pas la force d'exprimer sa réticence, et elle obéit sans rechigner. Tout en rongeant le pommier du mieux qu'elle peut, elle écoute la guérisseuse aux yeux verts parler, ne serait-ce que pour se raccrocher à un son doux, à sa voix.

Yluziah lui tend des fleurs jaunes en les nommant tussilage et en expliquant brièvement pourquoi une quantité si minime. Jill acquiesce vaguement pour signifier qu'elle entend et saisit ses propos. Elle est néanmoins décontenancée lorsque Yluziah, sans préliminaire, lui assure que vivre sur Sarkan va lui être dur, et qu'accepter d'y être encore plus. Elle se propose, en dernier lieu, comme présence attentive si Jill ressent le besoin impérieux de se confier à quelqu'un.

La petite louve noire continue de mâcher son pommier, avec une méticulosité qui ne sert qu'à retarder son instant de parole. La texture et le goût du bois dans sa gueule lui sont infects, cependant elle mastique avec ardeur, pour tromper la faim qui lui tord les entrailles depuis plusieurs semaines, pour se venger sur quelque chose. Enfin, se croyant obligée de le faire, elle articule du mieux qu'elle peut un : « Merci » à l'adresse d'Yluziah.

Très vite Jill sent que ce n'est pas assez, elle devrait dire plus, merci de vouloir m'écouter, merci d'être là, merci d'essayer de comprendre. Mais avec du pommier dans la gueule, il est difficile de communiquer clairement avec quelqu'un. Bizarrement, ce constat donne les larmes aux yeux de la petite louve noire, parce que c'est exactement ce qu'elle ressent : une sensation d'être entravée, immobilisée sur Sarkan, dans l'impossibilité complète de fuir. Relevant un peu la tête, elle pose son regard sur Yluziah, des milliers de phrases se forment dans son esprit, mais aucune ne parvient à franchir ses babines.

Une fois la branche de pommier soigneusement rongée, Jill la laisse de côté et essaye de rassembler suffisamment de courage pour absorber les autres remèdes que lui donne Yluziah. Alors qu'elle se penche vers le tussilage, la toux la saisit durant quelques instants. Lorsqu'elle prend fin, la petite louve noire reste un moment sans réaction. Elle sent une chape de fatigue lui tomber dessus, et elle souhaiterait presque se coucher ici, au bord du lac Penllyn, comme elle l'a fait l'autre jour en compagnie du petit Obsidian. C'était il y a déjà un bout de temps. Tout se déroule si vite.

Lentement, Jill se met à manger le tussilage et la grande mauve qu'Yluziah vient de lui tendre. Alors qu'elle avale sans enthousiasme les végétaux, la petite louve noire est surprise d'entendre la guérisseuse aux yeux verts lui conter son histoire. Cependant, cela ne lui est pas désagréable, et Jill, après avoir terminé son repas de médicaments - si l'on peut dire - se laisse doucement glisser sur le sol, couchée sur le ventre, regardant Yluziah avec intérêt, et l'écoutant avec attention, sans l'interrompre.

Au fil du récit de la guérisseuse, Jill tente de se représenter Yluziah apprenant la médecine pour avoir une utilité au sein de sa meute natale, pour être acceptée. Elle tente d'imaginer Yluziah dont le père n'était pas bien considéré. Dont la tribu, une fois ce dernier mort, la reléguée au rang d'oméga sans tenir compte de ses qualités de soigneuse. Elle tente de visualiser la violence dans laquelle Yluziah a vécu, avec des mâles pour la saillir de force, avec l'humiliation et la peur qui devaient s'ensuivre.

Lorsque la guérisseuse aux yeux verts conclut en disant que Sarkan est un enfer, Jill sent un certain soulagement l'envahir - elle n'est pas la seule à désigner l'île en ces termes. Puis, une fois qu'Yluziah a terminé sa narration, la petite louve noire reste un instant silencieuse. Elle ignore quelle réponse à tout ceci serait la bonne, serait apaisante, ferait plaisir. Elle ne sait pas.

Jill tousse une seconde fois, un peu moins longtemps. L'effet des plantes se fait lentement sentir, et elle se sent un rien indolente. Elle finit par demander à Yluziah, parce que, sans qu'elle sache vraiment pourquoi, cela a une importance capitale : « Ne regrettes-tu rien de ta vie passée ? Je veux dire... Quelqu'un que tu appréciais beaucoup, ou un lieu qui t'attirait. » Jill se souvient de la phrase de la guérisseuse : Personnellement, je n'avais rien en arrière. Malgré tout, peut-être a-t-elle de la mélancolie en pensant à tel ou tel élément de son existence de jadis.

Jill est assez étonnée d'apprendre que non, Yluziah ne regrette rien de sa vie d'autrefois - si ce n'est son père. Elle-même repense souvent, avec nostalgie, aux endroits qu'elle parcourait jadis ; l'étang où ses enfants adoraient jouer, pataugeant dans l'eau fraîche, la grande plaine aux herbes roussies par le soleil, l'été venu, et couverte de neige l'hiver, ainsi que les lointaines montagnes perpétuellement blanches. Ce n'est pas que Sarkan soit dépourvu de beauté, et les terres d'Iselwyn ont leur charme. Fréquemment, la petite louve noire se dit que si elle n'avait pas été amenée ici contre sa volonté, sans aucun doute arriverait-elle à s'y plaire. Mais au vu des circonstances, il n'y a tout simplement pas moyen pour elle d'apprécier l'île.

Yluziah semble être en contradiction totale, disant être rassurée sur Sarkan, ayant rencontré des loups amicaux et nullement repoussés par son handicap. Elle affirme même s'être fait des amis, et espérer qu'ils ne disparaîtront pas. C'est ce dernier point qui attire l'attention de Jill, qui lui fait dresser les oreilles vers Yluziah et relever légèrement la tête. « Disparaître ? » dit-elle d'un ton surpris. « Il y a donc vraiment des loups qui disparaissent de Sarkan ? » Elle se remémore les paroles de Morpheus. Est-il probable que l'île ait toujours existé, et que depuis des temps immémoriaux les canidés se succèdent en ce lieu, apparaissant, disparaissant ?

« Penses-tu qu'ils soient morts ? Ou qu'ils aient été... Ramenés auprès des leurs, de la même manière qu'ils ont été "déposés" ici ? » interroge-t-elle encore, brusquement intéressée. Peut-être est-ce cela, la solution. Attendre, tout simplement. Attendre que vienne le moment de rentrer chez soi. Jill, malgré l'absurdité de cette hypothèse, se met à y croire. L'espoir, que sa rencontre avec Morpheus avait dévasté, renaît en elle.

Jill écoute Yluziah avec beaucoup d'attention, plus que précédemment. Bien que se sentant toujours mal, affaiblie, les plantes ont sur elle l'effet apaisant escompté, et elle se trouve même agréablement lotie, couchée près du lac Penllyn avec, à ses côtés, la guérisseuse aux yeux verts et à la voix douce. Cette dernière conte à la petite louve noire les nombreux loups qu'elle a rencontrés, qui ont disparu, et le parcours incertain d'Iselwyn. Jill se surprend à s'interroger sur tous les canidés évaporés. Yluziah lui explique que certains ont été retrouvés morts, disséminés sur les différents territoires. Que d'autres ont tout bonnement disparu, du jour au lendemain, et qu'à présent il ne reste plus rien d'eux, à peine leur souvenir dans une mémoire ou une autre. Yluziah termine en lui disant : peut-être. Peut-être ces disparus ont-ils été rapatriés dans leurs terres d'origine. Jill l'espère pour eux.

Elle pose son regard sur Yluziah, qui sourit légèrement d'un air gêné. La petite louve noire la réentend lui décrire de façon brève les alphas qui se sont succédé, avant Dyniya. Le coup d'état et la prise de pouvoir de Nikolaos et Limitless étant déjà bien lointains, Jill se demande combien de mois, même d'années, se sont écoulées sur Sarkan pour la guérisseuse aux yeux verts. « Yluziah » commence-t-elle d'une voix un peu rauque avant de s'interrompre pour laisser passer une courte quinte de toux. « Depuis combien de temps es-tu ici ? » interroge-t-elle ensuite.

La suite de la question de Jill est : depuis combien de temps supportes-tu cette île ? « Tu as l'air d'avoir déjà vécu tant d'événements » poursuit-elle dans un murmure. La petite louve noire respire profondément, essayant de chasser la toux qu'elle sent mûrir dans ses poumons. Tousser la fatigue, et elle souhaite plus que tout un instant de repos, à écouter calmement Yluziah.

Yluziah semble nerveuse face à la question que lui a posée Jill. Cette dernière se demande pourquoi, puis appréhende un temps fort long lorsque la guérisseuse lui dit ne plus le savoir avec exactitude. Néanmoins, elle finit par supposer quatre hivers passés sur Sarkan. Jill reste sans voix devant ce laps de temps. Quatre ans ? Quatre ans sur l'île ? Mais cela représente une éternité ! La petite louve noire approche elle-même des quatre années d'existence - ou les a déjà eues, elle ne sait pas très bien non plus, le calcul restant quelque chose de très vague. Et elle sait que cela est déjà long. Jill comprend mieux pourquoi Yluziah a connu tant de loups sur l'île - forcément, si elle a vécu ici durant quarante-huit mois !

L'imagination de la petite louve noire la fait se voir dans quatre ans - quel âge aura-t-elle, à ce propos ? Faisant un gros effort de réflexion, elle parvient à dénombrer huit années. Elle s'imagine à huit ans, devant d'autres loups égarés, comme elle l'est elle-même, en train de leur expliquer Sarkan et de leur conseiller d'aller voir Morpheus. Elle s'imagine disparaissant, comme beaucoup de loups qu'Yluziah a côtoyés, revenir sur ses terres natales, retrouver les siens qui ne seront plus les siens depuis des lustres. Ses enfants auraient cinq ans bien tassés, ils seraient sans doute éparpillés aux quatre vents ; et même en admettant que l'un d'eux soit encore dans sa meute d'origine, que lui dirait-il ? Quatre années les sépareraient, et Jill serait une parfaite étrangère. Si Alcor vivait toujours, s'il avait son âge, qui sait s'il la reconnaîtrait ? Personne, probablement, ne voudrait la croire si elle dévoilait son identité. « Jill est morte » lui dirait-on, ou bien « elle a disparu voici quatre hivers » ou encore « qui est-ce ? »

Ces hypothèses démoralisent la petite louve noire. « Quatre ans ! » ne peut-elle s'empêcher de s'exclamer. Elle voudrait, mais elle ne sait rien ajouter d'autre, rien exprimer d'autre que son ébahissement. Levant les yeux vers Yluziah, elle essaie de visualiser à quoi peuvent bien ressembler quatre années sur Sarkan. « Cela a dû être bien long » finit-elle par hasarder, avec maladresse, en voyant la guérisseuse aux yeux verts prête à fondre en larmes.

Jill ressent un certain soulagement en voyant qu'Yluziah parvient à ne pas fondre en sanglots. Dans le cas contraire, la petite louve noire ignore ce qu'elle aurait fait. Quelles paroles de réconfort aurait-elle pu prononcer afin d'apaiser la guérisseuse aux yeux verts, quand elle-même attend d'en recevoir ? Heureusement, Yluziah ne lui demande pas un tel secours, et préfère lui exposer ce à quoi elle aspirait, jadis, lorsqu'elle s'imaginait à son âge actuel. Elle dit s'être vue avec un louveteau, dans une meute ayant fusionné avec une autre, où le gibier serait abondant. Elle se serait unie à un mâle oméga, et peut-être sa vie aurait-elle pu connaître un relent de douceur, de facilité. Jill se sent transportée de tristesse en écoutant les rêves déçus d'Yluziah. Cette dernière ne demandait pourtant pas des choses impossibles à l'existence ; simplement un habitat stable, une situation amoureuse, et un enfant. Qu'a-t-elle récolté ? s'interroge Jill. Une île ? Une meute composée de dix loups à tout casser, un endroit glacial où l'on souffre de la faim ? Une tanière avec des plantes médicinales ? Bien peu, finalement.

Yluziah poursuit en disant qu'il y a peu d'échanges entre les loups de Sarkan. Dans le meilleur des cas, tout au plus connaissent-ils le nom de chaque membre de leur meute. Elle affirme que même si depuis le départ de Dyniya, la situation s'est arrangée, elle demeure misérable. « Misérable » répète Jill dans un souffle, et elle songe que le mot est fort bien choisi. Un bref instant, elle se remémore sa rencontre avec Morpheus, le coup d'état, le premier rassemblement de la meute Iselwyn, la naissance de Seirei. Misérable, pense-t-elle avec un mépris dirigé envers les puissances obscures, inexplicables, qui ont amené tout un chacun sur l'île. Quel sadisme ces dernières contenaient-elles, pour ainsi détruire des vies entières ?

Jill pousse un gros soupir qui se mue en toux. Fermant les yeux, elle pose la tête sur le sol, repensant à Yluziah, et à ses rêves qui n'ont pas l'air d'être en passe de se réaliser. Quelle solitude, quel accablement la guérisseuse aux yeux verts peut-elle enfouir au fond d'elle-même ? Jill se pose la question tout en frissonnant sous l'air froid, et en cédant à l'effet apaisant des plantes médicinales qu'elle a ingurgitées. Elle s'endort doucement, et se réveillera, comme depuis facilement deux mois, sur Sarkan, cette île tant détestée.