Quand on remplit un vide.

Le petit louveteau au pelage aussi noir que la nuit avait atteint ses deux mois d'existence depuis quelques jours. En compagnie de sa mère, il vagabondait régulièrement sur l'île secondaire, comme le lui avait apprit sa mère. Il existait une autre île, Nyx l'avait déjà vu, mais n'avait pas le droit d'y mettre les pattes. Du moins, pour le moment, car, quand il sera plus grand, il fera ce que bon lui semblera. Mais pour le moment, il respectait les décisions de sa mère.

Aujourd'hui, sa mère l'avait emmené se dégourdir les pattes vers le sud-est de l'île secondaire. Il y avait par là-bas un drôle d'endroit où le sol était entièrement noir et même, si on restait immobile assez longtemps, on pouvait sentir que le sol n'était pas froid, mais très légèrement tiède. On aurait dit qu'on avait quitté le monde terrestre et qu'on se trouvait ailleurs, Nyx ne savait pas où, mais certainement plus sur l'île. Nyx était émerveillée par tant de beauté, même si le paysage restait plutôt morne et uniforme. Pour un louveteau, chaque chose, chaque lieu était une nouveauté.

Sa mère s'était installée dans un coin abrité du vent glacial qui soufflait et lui avait permit d'aller jouer un peu, en lui disant tout de même de ne pas trop s'éloigner. Nyx ne se fit pas prier et partit en courant. IL se mit à aller à droite et à gauche pour examiner chaque rocher, chaque fissure, mais très vite, le jeune louveteau se lassa. Après tout, malgré le côté nouveau et surprenant du lieu, il n'y avait pas grand chose d'autre. Tout était noir, et surtout, désert. Il n'y avait ni plante, ni animaux et donc rien avec quoi jouer. Mais le petit loup n'allait pas retourner aussi vite dans les pattes de sa mère. Pour une fois qu'il avait la liberté de s'amuser comme il voulait.

Nyx continua donc son exploration de la plaine noire. Et au détour d'un rocher tout aussi noir, il tomba museau à museau avec un autre loup. C'était une sacrée surprise, lui qui pensait qu'il n'y avait pas âme qui vive dans les environs ! Voilà qu'il rencontrait un autre loup. Il était surtout énorme et Nyx ne put s'empêcher de le regarder avec de grands yeux étonnés. Sa fourrure était un savant mélange de brun, de gris et de blanc et ses yeux brillaient comme deux flammes.

Regardant toujours l'énorme loup aux yeux de feu avec son regard étonné, Nyx sursauta quand ce dernier se mit à gronder et à découvrir ses immenses crocs. Pourtant, il se mit à reculer en rampant, comme s'il avait peur de petit louveteau. Ce dernier ne lui voulait pas de mal, bien au contraire, il était plutôt ravi de rencontrer un autre loup que sa mère. Et pourtant le loup, un mâle visiblement, ne cherchait qu'à fuir sa proximité.

• Tu devrais ficher le camp de là!

Telles furent les seuls paroles du mâle. Nyx, surprit se hérissa de colère. Pourquoi devrait-il partir d'ici ? Il avait le droit de jouer et sa mère l'avait autorisé à aller là où il voulait, à condition de ne pas trop s'éloigner. Et aux dernières nouvelles, il respectait les consignes de sa mère ! Et d'ailleurs, pourquoi ce ne serait pas lui qui partirait ? Après tout, cet endroit n'était pas son territoire ! C'était et c'est toujours une terre neutre, accessible à tous les loups, Solitaires ou appartenant à une meute ! Et le jeune louveteau ne se priva de le faire remarquer au loup. Il l'imita, découvrant ses crocs minuscules comparés à ceux du loup et gronda. Mais là encore, c'était très loin d'égaler celui du grand mâle et Nyx se demanda s'il le mâle n'allait pas plutôt rire de sa pitoyable prestation qu'être effrayé.

• Et pourquoi serait-ce à moi de partir ? Tu n'es pas chez toi ici ! J'ai autant le droit que toi de venir ici ! Si ma présence ne te plaît pas, tu n'as qu'à partir !

Pour faire bonne mesure, Nyx gronda une nouvelle fois, et peut lui importait d'avoir l'air ridicule à jouer les grands comme cela !

Nyx se tenait bien droit et fier face au loup aux yeux de feu, en grognant à sa manière enfantine. Il refusait de capituler face à un loup aussi grossier. Et dire qu’il ne s’était même pas présenté ! Mais pour qui se prenait-il ? Alors quelle ne fut pas sa surprise quand, avec un soupir, le mâle finit par se lever et s’en aller.

Attendant qu’il se soit suffisamment éloigné, le jeune loup noir clama d’une voix forte :

• C’est ça, va voir ailleurs si j’y suis !

Evidemment, Nyx savait pertinemment qu’il n’avait aucune chance si l’autre décidait de punir son insolence. Mais il n’avait pu résister à l’envie de le narguer. Quand enfin il fut hors de vue, Nyx laissa éclater sa joie, sautant un peu partout. Lui, un simple louveteau d’à peine deux mois, avait réussi à faire reculer un loup mâle adulte. Rien de tel pour flatter son orgueil, mais attention à la chute face au prochain qui refuserait de baisser pavillon devant lui.