Please, leave me alone!

Suite à sa rencontre avec Fenrir, Moïra avait décidé d'explorer un peu plus Khthonia Sarkan, qui semblait être un véritable repaire à solitaires... et débouchait directement dans le territoire d'Iselwyn. Il était donc nécessaire qu'elle sache comment une potentielle menace pouvait s'y organiser. Autour d'elle, les pierres incrustées dans les parois scintillaient, formant un splendide spectacle auquel elle ne prêtait pourtant qu'un vague intérêt.

En effet, elle était très préoccupée par ce qui lui était arrivé sur Annalee quelques temps auparavant. Un loup monstrueux, gigantesque et à l'apparence hirsute, l'avait saillie de force. La terreur et la souffrance ressenties à ce moment-là la hantaient encore, et elle en faisait des cauchemars. Cependant, jusqu'à récemment, elle se rassurait en se disant qu'elle ne pouvait pas être pleine, puisque la saillie avait eu lieu en dehors des chaleurs. Cependant, elle avait remarqué des symptômes caractéristiques d'une gestation - elle les avait reconnus car elle avait déjà eu une portée. De ce fait, elle savait qu'elle attendait au moins un petit de cette horreur... et elle tremblait d'effroi en songeant que ce petit hériterait peut-être des terribles caractéristiques de son père.

Elle n'avait pas d'autre choix que d'attendre la naissance pour le savoir.

Tout à coup, Moïra tomba truffe à truffe avec l'objet de ses cauchemars, le loup noir qui l'avait saillie. Il avait l'air plus monstrueux que la dernière fois qu'elle l'avait croisé. Sa fourrure ne pouvait plus être qualifiée de simplement sale, mais seulement d'immonde. Et encore, ce terme ne suffisait pas à rendre compte de l'horreur qu'il inspirait. Et bien entendu son caractère ne s'était pas amélioré. Le mâle se mit instantanément à gronder, et sa gueule entrouverte était si proche de la louve arctique qu'elle fut en mesure de voir les traces laissés par les crocs du monstre dans sa propre mâchoire. Ces dents étaient si grandes qu'elles ne rentraient pas dans sa gueule, et manifestement se blesser à cause d'elle ne semblait guère le gêner. Amusant tous les détails qu'on arrive à remarquer lorsqu'on est en proie - à nouveau - à une terreur indicible, n'est-ce pas?

Une dernière étincelle de bon sens poussa la louve à reculer précipitamment, mais dans son effroi elle n'avait guère fait attention à la direction qu'elle prenait et son arrière-train heurta rapidement la paroi de la grotte. Affolée, la louve à fourrure blanche jeta des regards éperdus autour d'elle. Elle n'aurait jamais le temps d'atteindre la sortie, pas avec ce poids dans son ventre qui l'alourdissait... mais peut-être n'aurait-elle pu atteindre une vitesse suffisante de toute façon. Ou si? Moïra n'arrivait plus à penser clairement, tétanisé par la réapparition de cet être qui l'avait déjà tant fait souffrir - et lui inspirait de ce fait une crainte plus grande encore qu'autrefois, si une telle chose était possible.

La bête s'approcha d'elle. Moïra tenta de se fondre dans la roche qui se trouvait derrière elle et d'y disparaître, mais curieusement rien ne se passait, mis à part quelques égratignures sur son arrière-train. Le mâle ouvrit un peu plus sa gueule et la louve arctique trembla, se souvenant du fait qu'elle avait entendu que des louves étaient mortes sous ses crocs. Cependant, le loup noir sembla se désintéresser d'elle, et il passa lentement devant elle. Son odeur infâme rendait l'atmosphère plus irrespirable encore, mais il s'éloignait. Il s'éloignait d'elle. La louve blanche n'osait y croire. Il allait forcément revenir. Cette démarche lente ressemblait trop à celle du prédateur acculant sa proie... d'autant qu'elle était déjà coincée! La respiration de la louve se coupa lorsque la fourrure pleine d'immondices du mâle passa vraiment très près d'elle, la touchant presque. Là tout de suite elle aurait immensément apprécié un petit évanouissement...

Toutefois, bien que le monstre ne la quitta pas des yeux durant tout son parcours, il s'en alla. Il s'en alla réellement. La louve arctique n'arrivait vraiment pas à y croire et pourtant c'était bien ce qui s'était passé. Le mâle se dirigeait de toute évidence vers la sortie de Khthonia Sarkan... zut, mais comment allait-elle elle-même sortir de la grotte? Elle n'oserait pas prendre le passage, pas alors qu'il risquait d'y être lui-même! Oui, sauf qu'il ne l'avait pas touchée. Pourquoi? Pourquoi?

... peut-être parce qu'elle attendait un ou plusieurs de ses petits. Se souvenait-il de l'avoir déjà croisée? Etait-il seulement capable de tant de réfléxion, était-il intelligent en plus d'être monstrueux? Ce serait une catastrophe...

Finalement, après de longues, très longues hésitations - et après avoir réussi à convaincre son coeur de cesser de battre frénétiquement - la louve arctique se redressa et emprunta, avec une grande prudence, le passage qui menait vers Iselwyn. Elle espérait de tout coeur que le mâle soit déjà loin, et espérait que dans le cas contraire, il renoncerait encore une fois à l'attaquer. C'est cependant avec la peur au ventre que la femelle s'avança.