I get my kicks when you blow your fuse

Syliah s'était levée avant l'aube afin de pouvoir être un peu seule. Ces temps ci, son moral et sa patience avaient été mit à rude épreuve. Elle se sentait encore tendue par les expériences qu'elle avait vécu ces derniers jours. Entre la période de chaleurs, sa seconde rencontre avec Sköll... Elle avait réellement ressentit beaucoup de tensions, beaucoup d'énervement, d'agacement et surtout de déceptions. Elle se sentait faiblir. Elle détestait ce sentiment. De devenir faible. De ne plus arriver à être aussi forte qu'avant. À être cette force de la nature que tant d'autres loups évitaient par peur. Où était donc passée la Syliah d'avant ? La Syliah qui ne se laissait pas marcher sur les pieds et qui envoyait balader ceux qui la faisait chier ?

La louve blanche arriva finalement devant la Kailash. Elle soupira. Il fallait à tout prix qu'elle regagne du poil de la bête. Il le fallait, pour son honneur et son amour-propre ! Elle redeviendrait celle qu'elle avait toujours été. La Syliah que les autres craignaient. Syliah s'arrêta face à l'eau et s'y abreuva. Elle fit attention vu que la température de l'eau de la Kailash était basse et y but lentement, petites gorgées par petites gorgées. Elle aurait pu pêcher si elle l'aurait voulu, mais elle n'avait pas faim. Elle se redressa simplement et s'étira. Elle observa ensuite le ciel. Il était bleu, sans nuages. Encore une belle journée qui se levait sur Sarkan. Une journée de plus.

Un bruit attira finalement son attention. Elle s'approcha à pas feutrés, méfiante. C'était peut-être un membre du Kohinoor. La louve arctique huma rapidement l'air pour se renseigner. Non, ce n'était pas un membre du Kohinoor. C'était un inconnu. Un mâle. Un sans meute. Et il empestait la charogne dont le processus de décomposition semblait déjà être à un stade bien avancé. Syliah fronça la truffe, légèrement incommodée par la forte odeur du cadavre qui ne devait pas se trouver bien loin d'elle. Oreilles droites et queue haute, elle se rapprocha bien rapidement de l'inconnu. Il était noir, d'une taille immense, avec des yeux rouges. Assez étonnant à voir. C'était donc lui, qui s'amusait avec un cadavre. Il venait de le jeter lorsque Syliah arriva par sa gauche. Elle resta à quelques mètres de lui, babines retroussées et crocs dévoilés. Elle grogna, sans ménagement, le mettant en garde. Elle n'était pas aussi gentille que certains autres loups lorsque ça concernait le territoire de sa meute. Elle ne comptait pas ouvrir la bouche pour lui parler. Parce qu'elle savait pertinemment que les rebelles - puisqu'il en avait tout l'air - ne prenaient même pas la peine d'écouter ce qu'on leur disait. Vu sa posture et ses grognements, il fallait être plutôt imbécile pour ne pas comprendre qu'elle lui sommait de dégager rapidement du Kohinoor.

Effectivement, de sa position actuelle, elle ne le voyait pas très clairement. Elle voyait simplement un loup noir, assez grand au regard écarlate. Pour elle, elle avait simplement affaire avec un rebelle. Rien de bien méchant, elle en croisait tant. La louve blanche n'était pas décidée à le laisser ainsi sans réagir.

Il s'approcha finalement d'elle, dans une démarche plus que lugubre. Un frisson parcourut son échine sans qu'elle puisse le retenir. Son aura lui inspirait une certaine crainte qu'elle réussissait à dissimuler pour le moment. Le poil immaculé de Syliah se hérissa à son tour, gonflant son épais pelage fait pour résister aux plus grands froids que la terre puisse connaitre. Son regard bleu resta planté dans celui du mâle. Que c'était captivant, ces perles rouges...

Au fur et à mesure que l'inconnu se rapprochait, Syliah perdait en assurance et sa posture se faisait de moins en moins dominante. Rapidement, sa queue se retrouva à l'horizontale et ses oreilles légèrement rabattues. Son poil resta par contre hérissé et elle continua de grogner sur le mâle au pelage de jais. La louve voulu reculer à un moment, mais ses pattes restaient clouées au sol contre son gré. Elle claqua des dents dans le vide, essayant de l'intimider malgré tout.

Il était juste devant elle et même si proche qu'elle sentait son souffle se déposer sur son museau. Son souffle chaud et rauque à l'odeur plus que désagréable. On aurait dit qu'il passait sa vie à manger des charognes putréfiées et des excréments. Syliah fronça un peu plus fortement ses babines, gênée par l'odeur. Elle avait l'impression de retourner au moment de la canicule. Elle avait l'impression de ressentir l'odeur de la carcasse du bison qui pourrissait dans la steppes des nuages. Beurk...

Syliah laissa finalement sa queue venir le long de ses cuisses. Elle n'était pas à l'aise en face de ce grand mâle noir. Son aura était vraiment forte et terrifiante. Il portait sur lui le sentiment de peur et d'impuissance. Rien à voir avec d'autres loups, il état bien spécial. Aucun autre loups - alphas comprit - savaient la mettre mal à l'aise à ce point et la faire autant plier. La louve blanche baissa légèrement la tête, pour plusieurs raisons. Premièrement parce qu'elle ne supportait pas son haleine pestilentielle, deuxièmement parce qu'elle ne voulait pas croiser son regard et troisièmement parce que, pour une fois, elle préférait s'écraser face à son interlocuteur. Elle sentait qu'à celui là, il ne fallait pas lui chercher des noises. Mais d'où venait-il ?! Qu'est-ce qui avait fait dans sa vie qu'il devienne celui qu'il était au jour d'aujourd'hui ?

Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle avait peur de lui. Il ne lui avait rien fait, il s'était contenté de lui grogner dessus et de faire le dominant. Mais voilà, quelque chose dans son attitude le rendait terrifiant. Ses yeux rouges, sa grande taille, son pelage noir, ses longs crocs jaunâtre...

Il se plaça finalement derrière elle, tout proche d'elle, si bien qu'elle sentait son souffle se déposer sur le haut de son arrière main, juste sur la base de sa queue. Un frisson parcouru son échine et un instant, elle eut envie de laisser son corps vibrer de tremblement de peur. C'était même pas les chaleurs ! Alors pourquoi s'intéressait-il à ce genre de trucs ? Syliah redressa la tête, dévoilant ses crocs. S'en était trop pour elle. Elle se retourna rapidement, ou plutôt le voulu de tout son esprit. Car ses pattes et son corps ne voulait même plus lui répondre. Elle restait bêtement figée alors qu'il aurait été le moment pour elle de fuir le plus vite qu'elle pouvait et surtout le plus loin possible et inimaginable du grand loup noir. Tout crocs dehors, elle se contentait de grogner à l'attention du mâle noir. Elle essaya finalement de faire quelque pas mais ses pattes refusaient toujours de lui obéir. Son corps lui même se liguait contre elle, l'obligeant à subir les mauvaises intentions du mâle. La louve était en colère contre elle même et envers son corps qui refusait de lui obéir. Quelques tremblements agitaient son corps. Pas des tremblements de peur. Des tremblements de rage. Ses muscles restaient pourtant tendus. Elle souleva ses pattes une par une, agacée par le fait d'être obligée de rester sur place. Sous l'énervement, sur un simple coup de tête, elle se mordit la patte avant gauche. Assez férocement puisque du sang en coula rapidement, venant se déverser sur la neige immaculée. Aucun couinement de douleur franchit ses lèvres. Elle était énervée après son propre corps qui la privait d'une liberté plus que vitale à son goût. Son poil se hérissa de nouveau, tout le long de son échine et tout particulièrement au niveau de son collier. Qu'il veuille la rabaisser et lui faire peur, passe encore. Qu'il veuille la saillir, c'était une toute autre chose...

Syliah continua de grogner, même si ses grognements devenaient de plus en plus faibles. L'incompréhension brillait dans son regard azur. Elle n'arrivait pas à comprendre comment le loup noir arrivait à la faire se soumettre sans réellement le demander. Pourquoi s'abaissait-elle ainsi face à lui ? Pourquoi se comportait-elle comme une oméga ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à lui résister ?

Malgré la peur qui lui tenaillait les tripes, elle était bien décidée à lui tenir tête sur ce point là. Elle ne voulait pas être autant rabaissée. Elle ne voulait pas se sentir souillée. Elle ne voulait pas qu'on puisse la penser faible.

Un grognement plus puissant, plus rauque et surtout plus féroce monta dans sa gorge lorsqu'elle sentit le poids du mâle sur elle. Sa queue resta plaquée contre ses cuisses. Pour une fois, elle y voyait l'avantage des omégas et autres soumis. Il se permettait de lui demander ce qu'elle refusait à chacun des mâles qu'elle avait connu. Enfin, demander... Imposer plutôt. Il lui imposait tout ce qu'elle détestait et qu'elle pensait toujours éviter. Un seul point la rassurait, c'était l'absence des chaleurs. Materner, c'était bien la dernière chose au monde qu'elle voulait découvrir. Les gamins, elle le portait pas tellement dans son coeur, fallait l'avouer.

Syliah sentit alors une légère mais ferme pression sur sa nuque mais surtout sur ses cervicales. Il se méfiait d'elle et de son aptitude à collaborer. Il avait bien raison. Une morsure au cou l'aurait certainement moins faite réfléchir. Un enjeu de vie ou de mort pour qu'elle lui obéisse était forcément le plus efficace pour qu'il obtienne d'elle ce qu'il voulait. La louve blanche sentait qu'il essayait de décaler sa queue. Elle n'était pas réellement décidée à lui laisser ce plaisir. Elle grogna de nouveau. C'était sa manière de lui dire qu'elle résistait et que même si son corps ne lui obéissait plus, elle n'était pas une soumise. Malgré sa détermination à ne pas faillir, la pression qu'il exerçait sur sa nuque la faisait réfléchir. Se battre contre l'inévitable et risquer la mort uniquement dans un contexte de fierté abattue était-ce une réelle bonne idée ? Après quelques minutes de résistance et de lutte contre le mâle, elle décolla très légèrement sa queue de ses cuisses.

Elle tenait finalement à sa vie plus qu'à sa fierté et à son amour-propre.

Si l'acte fut court dans la durée, mentalement, il lui parut être long comme le serait l'éternité. C'était si... humiliant. Si désagréable, si... douloureux. Si... écoeurant. Il la blessait, autant physiquement que moralement. Elle aurait presque préféré mourir, à cet instant. Pour une première fois - dont elle aurait espéré qu'elle n'ait jamais lieu - on aurait pu trouver mieux. Syliah sentit un liquide chaud et poisseux couler sur ses cuisses. Du sang. Il n'était décidément pas décidé à l'épargner... peut-être se vengeait-il du fait qu'elle ait tenté de se rebeller.

La louve blanche sursauta légèrement lorsqu'il lui mordit l'arrière main après être descendu. Un grognement de rage monta dans sa gorge. Elle le haïssait avec ses mauvaises manières. Un vrai goujat...

Syliah l'observa partir, restant droite sur ses pattes pour assurer son égo, avant de se laisser brusquement tomber dans la neige dès lors qu'il disparu à travers les arbres de la Taïga qu'on entre-apercevait d'ici. Elle aurait besoin de quelques jours de solitude avant de pouvoir se remettre de cette douloureuse expérience qui risquait bien de lui laisser de séquelles à vie.

( Ouuut :3 )