Frost bite

Il faisait froid là haut. Un petit vent glacial vous ébouriffait les poils et faisait vriller les corbeaux qui réussissaient malgré tout à se nicher dans quelques anfractuosités. D'ici, il aurait pu tout voir, si un brouillard épais n'avait pas tout recouvert. Il était passé comme au travers d'une mer de nuage... Mais plus exactement, il l'avait traversé comme un boulet de canon. Des bouquetins avaient chuté de la falaise en fuyant et s'étaient retrouvés en bas. Sans bouger.

Il avait parcouru la totalité de Sarkan à présent. Tout était à son image. Les araignées étaient partout. Les abominations insectoïdes, ces courges oranges démesurées, déformées.

La bise était glaciale et il sentait ses coussinets lui faire mal, geler. Un peu de mal en plus, un peu de rage en plus. Le sol craquait sous ses pattes, signe que des plaques de glace se cachaient sous la neige.

Je m'étais éloignée sur les hauteurs, le monde semblait devenir fou en bas. J'entendais la terreur, les insectes grouiller, et les oiseaux hurler si fort que ça m'avais déboussolé.

Ici l'air était frais mais le bruit était moins assourdissant. J'avais enfin retrouvé mon flair et il me semblais presque être moins dans l'obscurité grâce à lui, être coupé de ma truffe avait été un vrai fléau. Ronronnant, je laissais le son se répercuter sur mon palet, je goûtais l'environnement les oreilles aux aguets.

C'est là que je le perçu cette masse mouvante à l'odeur de mort. Fixant mon regard éteint dans la direction du bruit je sentais m'envahir une peur plus virulente que toutes les autres. La queue entre les jambes je fis un demi pas en arrière m’aplatissant au sol.

Je voulais fuir mais le sol était trop escarpé, la chute trop haute pour que je me risque à courir quand bien même j'aurais vu pour éviter les obstacles.

Aussi tentais je de fusionner avec le sol, de disparaître dans l'obscurité de ma tête. Mon cœur battait plus vite et je mettais toute mon énergie à le calmer tant il me semblait que le bruit des battements résonnait fort, mais peut être étais se seulement dans mon esprit.

Le vent semblait me crier qu'il était trop tard, tendit que mon corps se mettait doucement à trembler.

Il se mit à renifler le sol. C'était agréable. Il n'y avait que peu d'odeur là haut, mais surtout, il y avait cette bise qui bougeait sans cesse. Et qui lui porta une odeur... Lupine. Un loup était tout près et Draugluir se sentait d'humeur joueuse. Sadique, mais joueuse.

Il s'approcha, perdant souvent la piste et ne voyant pas très bien dans tant de brouillard. D'habitude, il se fiait à son odorat. Là, il tourna un moment, s'énervant et s'excitant à la fois. Il salivait de plus en plus et claqua même plusieurs fois des mâchoires, grognant contre la neige.

Et soudain, il vit un changement de texture au sol. Il n'était pas à un mètre. C'était bien une femelle, et surtout, elle était au sol. Un peu plus de neige et elle aurait été enterrée vivante. Oh, belle idée...

Il gronda, juste devant elle. Elle avait du le voir arriver... Et ne bougeait pas.

Je l'avait sentit venir et se figer tout près de moi, ma respiration s'était coupée.

Le grondement qu'il poussa sembla me traverser de part en part et mes tremblements augmentèrent sans que je n'y puisse rien. Je fis un pas de coté, rampant près du sol reculant à peine, le regard fixé droit vers l'odeur de sang. Mes oreilles plaquées sur le crane je ne pouvais rien faire de plus.

Un instant je pensais hurler, appeler la meute, mais j'étais bien trop loin, bien trop seule. Priant les esprits je tentais de voir l'inconnu mais même les ombres semblaient refuser de me laisser l'entrapercevoir. Me laissant dans l'obscurité la plus totale.

Une proie, voila comment je me sentais, comme une proie! Fixant mon prédateur, attendant son courroux.

Draugluin plongea son regard dans celui de la louve... Et ces prunelles ne semblaient pas le voir. Il bougea juste la tête de droite et de gauche, sans résultat. Aveugle ? Elle était aveugle ? C'était encore mieux !

D'un mouvement rapide, il claqua des mâchoires au dessus de sa tête, puis près de sa gorge. Il voulait la déstabiliser.

Puis il recula de quelques pas et se fit le plus silencieux possible. Il inspirait par longs traits, les plus lents possibles, afin de ne pas émettre de son, et faisait de même en expirant.

C'était une drôle de rencontre... Une nouvelle expérience.

Je le sentais bouger tout près et d'un coup un courant d'air se créa lorsqu'il deplaça sa masse si vite que je ne pu qu'entendre claquer ses crocs si près en sursautant et je poussa un petit couinement à peine audible lorsqu'il les claqua à nouveau près de ma gorge. Je venais de m'uriner dessus je l'avoue.

Ma respiration se fit plus rapide et saccadé mais je ne percevais que son odeur tout près. J'avais beau tendre l'oreille il était silencieux et j'avais bien trop de mal à calmer le sang dans mes tempes pour le retrouver au bruit du vent.

Je tentais de calmer mon corps, tendant la truffe vers lui. Je sentais ma fin si proche que pouvais je faire? Je fermais les yeux me murant dans ma tête mais je ne parvenais pas à fuir.

"Pitié"

Articulais je difficilement en reculant d'un demi pas en rampant

L'odeur ammoniaquée lui fit plisser le nez et il lâcha un ronflement dédaigneux. Ce qu'elle ne pouvait pas voir, c'était cette bouche tordue en un sourire de triomphe. Provoquer une telle peur était au delà de tout ce qu'il voyait d'habitude. Quel plaisir intense...

Il se redressa et se mit à marcher, dépassant la louve blanche. Il n'avait aucune raison de lui faire la peau, elle vivrait avec l'humiliation et le traumatisme. C'était déjà bien. Si le destin la replaçait sous son nez en revanche, ma foi... Tout dépendrait du moment.

Son corps massif prit le chemin inverse pour redescendre vers les terres basses de l'île.

Je le senti s'approcher et fermais les yeux plus fort. Mais il me sembla qu'il s'éloignait. Je resta un long moment coucher, tremblante et comme frappé par un eclair je me redressais et commençait à courir, glissant, dérapant, trébuchant. Je voulais juste fuir, fuir loin et rejoindre ma meute.

OUT