Le réveil d'Inook

Inook commença à remuer la truffe faiblement. Cette odeur.... Hmm, elle lui donnait des crampes d'estomac tant elle était nauséabonde ! Le loup brun roula sur le côté, tout flagada (pas comme les fraises tagada hein) et tenta de redresser la tête mais ses muscles lui obéissaient à retardement et avec beaucoup, beaucoup de difficulté. Il se sentait grogui, fatigué et terriblement désorienté. Et cette odeur qui lui retournait le ventre... Le loup chercha à se concentrer sur cette senteur, les yeux toujours clôt et la tête posée négligemment au sol. Soudain, ses muscles de la mâchoire trésaillèrent : la fragrance était celle de la pourriture, de la décomposition, de la... mort.

Malgré ses yeux lourds de fatigue, Inook parvint à soulever une paupière, puis l'autre, et aperçut une carcasse de poisson séchée à moitié bouffée par les mouches et les vers. Quelle horreur ! Le mâle remua doucement les pattes et parvint à se détourné de cette vision apocalyptique. Il soupira légèrement et inspira profondément pour se donner du courage. Lentement, il redressa la tête et jeta des coups d'oeil tout autour de lui. De la terre archi-sèche et craquelée à perte de vue. La chaleur était telle que lorsqu'il fixait l’horizon, il pouvait voir sans mal les mouvements de l'air qui déformaient les formes. Inook prit sur lui et se mit debout très, très lentement. Il chancela, puis récupéra son équilibre et fit quelques pas pour tenter de fuir cette effluve insupportable. Et puis... il mourrait de soif, il lui fallait trouver de l'eau... Pourtant, sa petite griffe lui dictait qu'il n'en trouverait pas par ici, pas par cette chaleur étouffante.

Cahin-caha, Inook se traina d'un pas lent et lourd vers les arbres jonchant ce lit de lac à sec. Un autre odeur vint lui chatouillé les narines... Celle d'un loup. D'une louve plutôt, mais il ne la connaissait pas. Il pouvait simplement dire qu'elle était chef de meute. Dans son état, il n'était pas en mesure de se défendre... Et puis même, ce n'était pas du tout dans son tempérament. Elle allait l'attaquer... Le réduire en charpie... Il devait s'être réveillé sur son territoire...
C'est alors que le mâle paniqua. Mais... Ou était SON territoire ? Où se trouvait SA meute ? SA tanière où il entreposait les remèdes cueillis dans les bois ? Que faisait-il ici ?!

La pluie était arrivée, la tension était redescendue. C'était un peu comme un rêve, un signe aussi inespéré qu'inattendu. Et par chance, ceci arrivait à temps. L'excursion sur Iselwyn pouvait donc être évitée à son plus grand bonheur, et tous allaient retrouver une hygiène de vie correcte et boire comme bon leur semble. Leurs coussinets ne seraient plus abimés, les proies allaient revenir. Tout redeviendrait comme avant, même si cette rude période de sécheresse resterait un mauvais souvenir.

La cuivrée comptait bien profiter de ces instants en solitaire pour enfin se rafraîchir. Car même si les températures avaient fortement redescendues, un plongeon dans le Hibai ne lui nuirait pas. Elle en avait tellement envie ! Revoir une eau aussi belle qu'elle l'avait été était un pur bonheur, de même que pouvoir s'abreuver en toute liberté.
Alors, d'un bon, Moonlight plongea dans l'eau fraîche de la rivière. Tel un enfant découvrant les bienfaits de la fraîcheur, la cuivrée se mît à jouer et se tordre dans tous les sens. C'était si agréable, après tant de jours passés sous les rayons brûlants du soleil.

Son poil était redevenu presque aussitôt aussi beau et doux qu'avant, à sa plus grande fierté. Dès qu'elle fut sortie de l'eau, quelques minutes plus tard, la louve se brossa doucement pour le pas abîmer sa belle fourrure. Quand elle vit soudainement un étranger, un mâle, s'approcher de la rive, en provenance de la forêt. Moonlight cessa immédiatement de se consacrer à son poil et s'approcha doucement de l'inconnu.

« Qui es-tu ? » Lui demanda-t-elle d'une voix sèche et claire.

Le grand mâle aux yeux bleus huma l'air avec attention. Il y repéra la puanteur des carcasses de poissons, celle de la pluie qui commençait à tomber à petites gouttes, et celle d'un autre loup... Cependant, il était trop désorienté pour reconnaître s'il était loin, et dans quel direction il se trouvait. Par contre, Inook repéra aussi la senteur d'une eau stagnante, un genre de mini-lac ou peut-être bien cet espèce de marais qui se remplissait à nouveau.
Ce n'est qu'après avoir sentit cette odeur que le loup ressentit à quel point il avait soif. Sa bouche était pâteuse et sèche, et sa gorge aussi douloureuse que s'il avait mangé du poil à gratter.

Inook se mit donc en marche vers l'étendue d'eau, trébuchant un bon nombre de fois. Habituellement, il se déplaçait plutôt rapidement sur son ancien territoire, mais il le connaissait aussi bien que sa propre fourrure... Celui-ci lui était totalement inconnu. Pire encore, il en ignorait tous les dangers. Soudain, le mâle entendit des éclaboussures et un "splash". Puis... De nombreuses gouttelettes d'eau lui atteignirent le museau. Il recula précipitamment. L'odeur de loup était forte... La même que tout à l'heure. Même s'il ne pouvait rien voir, Inook se douta que ce loup en question devait être occupé à faire trempette. Peut-être même l'avait-il déjà vu. Il décida donc de ne pas se cacher et de s'avancer pour laper calmement la surface d'eau.

Soudain, une voix sèche mais parfaitement audible lui demanda qui il était. Une voix de louve. Une louve sacrément dominante même, s'il pouvait se fier à son timbre vocal.
Immédiatement, Inook s'aplatie le ventre contre le sol dans une position soumise.

« Ne m'attaque pas, je ne suis pas une menace... »

plaida le mâle d'une petite voix, ses yeux aveugles cherchant en vain son interlocutrice. « Je suis Inook et j'ignore comment je suis arrivé là... Pardonne moi si je suis entré sur ton territoire, ce n'était pas mon intention... »

L'inconnu était venu boire en toute inconscience près de la louve. Il ne semblait pas la voir, peut-être même ne la voyait-il pas. Alors Moonlight attendit patiemment qu'il lui réponde quand elle vit que, lorsqu'elle posa sa question, le mâle s'aplatit totalement, la cuivrée en fut surprise. Peut-être venait-il d'arriver, ne portant aucune odeur connaissable et semblant apeuré par l'idée de se trouver en présence d'une dominante. Mais le plus gênant était qu'il ne la regardait pas en face, qu'il lui parlait dans le vide. Elle en déduit donc que la faculté de voir le monde extérieur lui avait été enlevée, d'une manière ou d'une autre. Alors, immédiatement, son ton s'adoucit. Surtout quand il lui confirma qu'il ne connaissait pas encore les terres de Sarkan, confirmant alors ce qu'elle pensait. Décidément, les nouveaux venus se faisaient nombreux ces temps-ci. Et par chance, il arrivait au bon moment.

« Je ne compte pas t'attaquer Inook, loin de là. Tu es ici sur Annalee, mon territoire, en effet. »

Moonlight s'avança en direction d'Inook, se penchant pour voir ses yeux et vérifier si son hypothèse était juste ou non. Les yeux bleus du jeune cuivré ne mentaient donc pas, il était bien non voyant. L'Alpha songea alors à se faire plus douce avec le nouvel arrivant, peut-être parce que cet handicap lui portait peine, à vrai dire.

« Tu es ici sur Sarkan, et je crains que tu ne puisses retourner chez toi. »